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Après le succès retentissant de la CAN 2024, la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une élection présidentielle sous tension.

Entre blocages institutionnels, opposition fragmentée et incertitudes juridiques, le pays semble glisser vers un processus électoral miné par la méfiance. Une chronique par Ferro Bally, d’un possible saut dans le vide.

La Côte d’Ivoire a orchestré, en 2024, l’une des plus belles Coupes d’Afrique des nations de football jamais organisées.
Mais elle s’avance désormais, en 2025, vers ce qui pourrait être le scrutin présidentiel le plus incertain de son histoire.

D’un côté, le RHDP, parti au pouvoir, et la Commission électorale indépendante (CEI) semblent marcher main dans la main. Sans dissension apparente.
Le refus de la CEI d’ouvrir le fichier électoral à un audit indépendant, malgré des irrégularités et des morts recensés, interroge profondément.
Et pourtant, une ligne budgétaire avait bien été votée pour la révision annuelle de la liste électorale. Aujourd’hui reportée à… après l’élection.

Face à cela, l’opposition se cherche une stratégie claire. Mme Simone Gbagbo le résume ainsi : « elle parle d’une même voix sans parler d’une seule voix ».
La Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI), qui rassemble 25 partis, rejette la CEI.

Et boycotte le parrainage citoyen.

Le « Front commun », conduit par le PDCI-RDA et le PPA-CI, suspend sa participation à la CEI. Mais refuse pour l’instant la politique de la chaise vide.
Quant à l’Alliance pour la justice, la nation et l’alternance (AJUNA), elle s’articule autour de deux figures nouvelles. Vincent Toh Bi Irié et Assalé Tiémoko.
Tous deux rejettent également le parrainage, qu’ils jugent techniquement risqué et juridiquement flou.

Pendant ce temps, la CEI avance. Du 1er juillet au 25 août 2025, les candidats doivent récolter, dans 17 régions, au moins 1 % de signatures d’électeurs.
Mais les principaux opposants – Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam – ont été radiés de la liste électorale. Les rendant inéligibles.
En dépit de cela, leurs collecteurs sont autorisés à participer au parrainage. Une contradiction troublante, qui fragilise davantage la crédibilité du processus.

Le RHDP, lui, reste muet sur son candidat. Comme en 2020, après la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, l’ombre d’une désignation de dernière minute plane.

Et pourtant, les inquiétudes sont vives. Après l’Union africaine, l’Union européenne et l’ONU, c’est une mission de la CEDEAO qui est à pied d’œuvre.
Car ce processus électoral, déjà secoué par la défiance, donne l’impression d’un avion en vol dans une zone de fortes turbulences.

Derrière les sourires diplomatiques et les discours de façade, c’est un climat de suspicion qui gagne du terrain.

A mesure que l’échéance approche.

Sans consensus politique, sans transparence électorale, sans arbitre reconnu de tous, l’élection présidentielle du 25 octobre 2025 risque d’être un saut dans le vide.

La Côte d’Ivoire a réussi, en 2024, la plus belle édition de toutes les Coupes d’Afrique des nations de football (CAN). Elle se prépare, sur cette lancée, à réaliser, en 2025, le plus extraordinaire scrutin de toutes les présidentielles.

D’abord, le RHDP, le parti de la mouvance présidentielle, et la CEI sont en collusion. Et s’entendent comme deux larrons en foire. Le Oui ou le Non de l’un est celui de l’autre et vice-versa.
Sous ce dôme de fer, l’organe électoral reste droit dans ses bottes. Il reconnaît des morts et de nombreuses irrégularités sur la liste électorale définitive. Mais s’oppose à l’audit du fichier électoral. Sans compter qu’une ligne budgétaire a bel et bien été votée pour la révision annuelle de la liste électorale. Mais il la renvoie après l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, le roi de tous les scrutins.
Ensuite, l’opposition ivoirienne, selon les mots de Mme Simone Éhivet-Gbagbo, porte-parole de CAP-Ci, « parle d’une même voix sans forcément parler d’une seule voix. »
Trois groupements ont vu le jour. Il y a la Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI).

Rassemblant 25 partis et mouvements politiques.

Dont le PDCI-RDA, le FPI, le MGC, l’URD, le COJEP et l’AIRD, elle ne reconnaît plus la CEI, jugée « illégitime et inféodée au pouvoir », et boycotte le parrainage citoyen.
Le « Front commun », qui réunit le PDCI-RDA et le PPA-CI, les deux poids lourds de l’opposition, est apparu. Et vise les mêmes objectifs politiques que la CAP-CI.
Il a ainsi suspendu, « jusqu’à nouvel ordre », sa participation à la CEI. Afin de ne pas « cautionner un processus électoral qui porte déjà les stigmates de l’exclusion, de la fraude et de la manipulation, » selon les propos de Laurent Gbagbo. Mais de là à observer la politique de la chaise vide, comme CAP-CI, il y a un pas que le Front ne franchit pas.
Le nouveau-né est l’Alliance pour la justice, la nation et l’alternance (AJUNA). Elle est incarnée par deux jeunes loups, Vincent Toh Bi Irié et Assalé Tiémoko Antoine, candidats à l’élection présidentielle. Et qui rejettent le parrainage citoyen pour des « raisons techniques évidentes et sécuritaires. »
Enfin, le processus électoral est entré dans sa dernière ligne droite. La CEI organise, du 1er juillet au 25 août 2025, le parrainage citoyen. Ce parrainage consiste, pour chaque candidat à la candidature, à recueillir au minimum 1% de l’électorat local dans chacune des 17 régions retenues, dont les districts autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro.
A ce stade, comme en 2020 après la disparition d’Amadou Gon Coulibaly, le RHDP n’a toujours pas de candidat officiel. Au même moment, tous les leaders de l’opposition, qui représentent une alternative crédible pour l’alternance, sont radiés de la liste électorale. Il s’agit principalement de Laurent Gbagbo et Cheick Tidjane Thiam, qui ne sont ni électeurs ni éligibles.

Néanmoins, alors que la CEI avait prévenu qu’elle « ne commerce qu’avec les personnes inscrites sur la liste électorale, » elle a fait marche-arrière.

Elle autorise les collecteurs de tous les candidats, y compris ceux qui ont reçu le carton rouge, à participer au parrainage citoyen, en recueillant les signatures des électeurs en leur faveur, une des conditions de la recevabilité de la candidature à la présidentielle.
A la vérité, la CEI y va à l’aveugle. Après l’Union africaine, l’Union européenne et le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’ouest et le Sahel, c’est au tour d’une délégation de la CEDEAO d’être dans nos murs.
Ainsi le processus électoral, en zone de turbulence, est suivi comme de l’huile sur le feu. Empoisonné par un climat délétère, il est un casse-tête qui donne le tournis avec le risque accru d’un saut dans le vide.
F. M. Bally
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE

OPINIONS

Saut dans le vide

Après le succès retentissant de la CAN 2024, la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une élection présidentielle sous tension. Entre blocages institutionnels,

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