À l’approche des 10 ans du COJEP, Charles Blé Goudé lance un meeting… payant. Une première en politique ivoirienne, qui interroge sur l’opacité des finances des partis et l’héritage des pratiques anciennes.
« Le COJEP sera le premier parti en Côte d’Ivoire à organiser un rassemblement où les participants eux-mêmes paieront pour écouter un message politique. »
C’est en ces termes que Charles Blé Goudé annonce à ses militants leur droit d’accès à sa précieuse parole, prévue pour le 15 août prochain.
L’occasion marquera les dix ans d’existence de son parti politique. Mais à ce stade, aucun vent de rupture idéologique ou stratégique ne semble souffler sous son impulsion. Il y a à peine quelques mois, il affirmait vouloir diriger la Côte d’Ivoire « tôt ou tard » — de gré ou de force, on aura compris.
Ce qui inquiète surtout, c’est qu’il est à la croisée de trois figures politiques majeures : « neveu » revendiqué d’Alassane Ouattara, fils banni de Laurent Gbagbo, et allié déclaré de Tidjane Thiam.
Le deuxième lui a transmis le maniement du verbe et des idées fuyantes ; les deux autres, experts en finance et stratèges en opacité, lui ont appris qu’il n’a de comptes à rendre à personne.
Là est le vrai point commun.
Car ni le COJEP, ni le PDCI, ni même le RHDP ne rendent aujourd’hui de compte sur les financements publics et privés qu’ils reçoivent. Pourtant, la vieille loi sur le financement des partis politiques, souvent rafraîchie dans les tiroirs de l’Assemblée, les y oblige : un rapport moral et financier annuel est censé être publié.
La Cour des comptes, chargée d’auditer ces partis, semble quant à elle débordée ou délibérément silencieuse. Mais le danger est là : une nouvelle génération d’hommes politiques prétend gouverner sans jamais rendre compte. Une génération qui parle de transparence, mais pratique l’ombre.
Prenons le cas de Tidjane Thiam. Le président du PDCI, qui se présente comme un homme de rigueur, n’a pas jugé utile d’ordonner un audit financier du parti depuis sa prise de fonction. Or, le dernier audit connu remonte à 2013, commandité par feu Henri Konan Bédié auprès du cabinet Mazars. Depuis, silence radio. Aucun document transmis à la Cour des comptes, aucune reddition publique.
Quant à Blé Goudé, on ne saurait trop lui en demander.
Dans les nouveaux méandres politiques, il avance à sa manière, sûr de son pas.
À ce jeu, c’est Alassane Ouattara qui tire toujours son épingle : depuis 2011, il distribue avec une régularité presque mathématique une part symbolique du budget national à ses adversaires politiques comme à son propre parti. Aucun bruit. Aucun scandale. Tous, ou presque, rêvent encore de le reconduire, fût-ce uniquement pour préserver cette manne silencieuse.
Et voici maintenant Charles Blé Goudé, qui commence à constituer sa caisse noire publiquement. Il semble marcher dans les pas de ses « pères ».
Si on interprète, il dirait, en filigrane, à ses partisans :
« Payez pour venir m’écouter parler de votre avenir… Moi qui, en 2004, vous ai envoyés au front, matelas sur la tête, vers la mort. Alors, pourquoi ne pas recommencer ? »
TAMA CESAR
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE