Trente-huit ans après l’assassinat de Thomas Sankara, l’Afrique de l’Ouest semble renouer avec ses idéaux trahis. L’AES s’affirme.
Le 15 octobre 1987, un coup de feu a éteint une voix, mais pas l’écho qu’elle continue de porter.
Thomas Sankara fut assassiné par ses frères d’armes, trahi par un système qu’il avait juré de déraciner profondément.
À 37 ans, il rêvait d’une Afrique digne, autonome, libérée des chaînes économiques et des tutelles politiques étrangères dominantes.
Il dénonçait la dette comme une nouvelle forme d’esclavage, refusait la soumission aux diktats des institutions financières occidentales.
Trente-huit ans plus tard, l’Alliance des États du Sahel (AES) fait émerger une parole nouvelle, ancrée dans une mémoire profonde.
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, désormais tournés vers une souveraineté retrouvée, semblent marcher sur ses traces.
Ces trois États, suspendus de la CEDEAO, rejettent les modèles importés et reconstruisent leurs fondations selon des logiques endogènes.
Ce retour à la souveraineté militaire et politique est controversé, mais il révèle une soif d’émancipation sans précédent dans la sous-région.
L’AES ne se limite pas à une alliance militaire : elle est devenue un laboratoire d’idées panafricanistes et de gouvernance alternative.
Le rejet du franc CFA, des bases étrangères, et des injonctions occidentales rappelle fortement le discours de Sankara à Addis-Abeba.
Mais cette rupture entraîne aussi des tensions avec les voisins comme la Côte d’Ivoire, restée alignée sur les choix classiques régionaux.
Abidjan privilégie stabilité, coopération internationale et attractivité économique, parfois perçue comme un éloignement du projet panafricain originel.
Pourtant, les défis sont communs : chômage des jeunes, dette extérieure, dépendance alimentaire, crise climatique et instabilité sécuritaire croissante.
La jeunesse ivoirienne partage, en silence, bien des frustrations exprimées à Ouagadougou, Bamako ou Niamey. Le fossé se creuse dans les esprits.
Le rêve d’un Sankara n’a pas disparu, il a seulement changé de visage, de drapeau et de méthodes dans cette Afrique recomposée.
Dans ce contexte, la date du 15 octobre ne doit plus seulement rappeler un assassinat, mais relancer une interrogation essentielle.
Quel avenir voulons-nous pour l’Afrique de l’Ouest ? Quel leadership mérite notre génération ? Et quel héritage laisserons-nous aux enfants d’Afrique ?
La réponse se joue peut-être dans ce croisement entre la mémoire sankariste et les choix audacieux ou risqués des régimes de l’AES. Des choix que certains disent inspirés aussi de l’Ivoirien Gbagbo Laurent.
JULIEN BOUABRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
