Fidèle Goulyzia: « La littérature n’est pas une carrière, c’est une urgence »

2 mois

Interview de Pouvoirs Magazine avec le Grand Prix Bernard Dadié 2025 incarné par Fidèle Goulyzia

Vous allez me dire qu’on écrit pas pour des prix, mais vous avez le Dadié cette année….

Je n’écris pas pour des prix. Je n’écris pas non plus  pour contenter la sensibilité d’un jury. J’écris pour laisser des traces et témoigner de mon époque. Sans filtre. Mais quand on a fini de se faire une religion à ce sujet, l’observation stratégique de l’industrie du livre permet de comprendre que les prix sont pour beaucoup dans le processus de légitimation d’une plume.

C’est pourquoi depuis 2019, date de parution de mon premier  roman Tchapalo Tango, j’essaie de titiller l’establishment littéraire en présentant ce que je fais. Tchapalo Tango et Bardot 18 (mon deuxième roman) ont fait partie de la première sélection du Prix Kourouma 2020 et 2023. L’année dernière, je participais à mon tout premier SILA.  Un lecteur averti  m’a suggéré  de me présenter aux prix littéraires nationaux. J’ai d’abord hésité. Et cette année, j’ai  présenté mon troisième roman, sans vraiment attendre une consécration. Il n’y a donc aucune obsession chez moi concernant les prix. Ma seule obsession, c’est d’être lu par le plus grand nombre.

 

Si les prix littéraires ne comptent pas, pourquoi tant d’auteurs dont vous, publient chez les éditeurs prestigieux et participent-ils à la promotion  de leurs ouvrages?

C’est justement la démarche contraire que j’adopte. La littérature africaine francophone se joue encore dans un mouchoir de poche entre cercles concentriques de validation parisiens. Je n’ai pas envie d’être bridé par le diktat d’une maison d’édition « prestigieuse » qui vide de sa substance ce que j’ai à dire au monde. Prestigieuse ou non, ce n’est pas ce qui compte pour moi. La preuve, mes deux premiers romans ont été édités par une maison d’édition régionale française. Pour moi, le talent précède sa surmédiatisation. Pas l’inverse. Mon observation de journaliste m’a permis aussi de comprendre que de nombreux auteurs restent surcotés parce qu’adoubés par l’industrie. Je veux juste raconter l’Afrique que mon parcours de journaliste m’a permis de découvrir. L’Afrique avec de nouveaux enjeux d’autodétermination qui tiraillent sa trajectoire. C’est ça l’universel dans ma tête. Sublimer notre particulier réel et non fantasmé, et le présenter au banquet du métissage mondial.

Les prix changent une carrière. Est-ce vraiment possible de séparer totalement l’acte d’écrire de la recherche de reconnaissance?

D’abord, je déteste le mot carrière…

Tant mieux. Je le retire alors

Cela ne correspond pas à ma vision de la vie. La carrière est sclérose. La littérature n’est pas une carrière, c’est une urgence. La valorisation du talent est liberté. Bien sûr que les prix changent le regard qu’on porte sur vous. Mais ce n’est pas le curseur de ma démarche. Il y a plus grand que la recherche de la reconnaissance. Il  y a le leg à la postérité. L’acte d’écrire consigne sur papier  ce que je pense de mon époque. Sauf à se mentir, un écrivain n’est pas inspiré toute la vie. L’époque que nous vivons est inspirante. C’est un ferment pour mon  écriture. Et comme je le dis toujours, je ne pense pas finir écrivain, comme je n’ai pas fini journaliste.

Je voudrais avoir votre appréciation du Sila

Chapeau bas au Commissariat du SILA, à l’AECI, à l’ASSEDI  et au Ministère de la Culture et de la Francophonie.  II y a une admirable synergie d’actions qui porte haut les Lettres ivoiriennes.  Tant que vous n’êtes pas au cœur d’une organisation, vous êtes toujours à l’aise pour critiquer. Après, il y a des intelligences au sein du Commissariat pour rectifier les fausses notes de ce grand rendez-vous qui confirme Abidjan comme le hub littéraire de l’Afrique francophone.

Propos recueillis par AK

photo: POUVOIRS MAGAZINE

POUVOIRS MAGAZINE

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