Alors que le ton monte pour une élection présidentielle périlleuse du 25 octobre 2025, Laurent Gbagbo et son parti, le PPA-CI, se lancent au secours du PDCI-RDA.
« Nous n’allons pas laisser mourir le PDCI. Nous allons soutenir le PDCI sans rien attendre en retour. Car la conviction politique n’est pas un troc, » a annoncé, ce 26 avril 2025, Gbagbo au Comité central ordinaire du PPA-CI.
Comme la roue tourne! Le serpent (le RDR devenu RHDP) à la naissance duquel il a activement participé, s’est transformé, pour lui, en monstre de Frankeinstein.
Qui veut tout dévorer sur son passage, à commencer par sa matrone Gbagbo.
En effet, à la la tête de l’État depuis quatorze ans et disposant des ressorts du pouvoir, Alassane Ouattara, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, ne fait pas dans la dentelle. Par débauchage, clientélisme et chantage, il s’est attelé à vider les partis de l’opposition de leur substance.
Mais les résultats, malgré la débauche d’énergie et de colossaux moyens, restent mi-figue mi-raisin.
Et sans ménagement, le chef de l’État choisit, à l’effet de faire le vide, de couper la tête de tous ses adversaires. Parmi les plus redoutables pour son maintien ou celui de son régime au pouvoir, en usant d’artifices.
A cet effet, à l’issue de procès fabriqués, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Kigbafori Soro sont déjà passés à la trappe. C’est maintenant au tour de Cheick Tidjane Thiam, ce jeune loup aux dents longues, d’être éliminé de la course à la présidentielle par la justice. Pis, le plus vieux parti du pays qu’il préside depuis décembre 2023, est menacé d’être placé sous administration provisoire.
C’est le moment choisi par Gbagbo pour prendre la tête pour la restauration de la démocratie et des libertés publiques. « Nous sommes le PPA-CI et nous sommes là pour que les Ivoiriens s’organisent dans les partis de leur choix. La bataille de notre liberté est aussi la bataille de leur liberté, » a-t-il juré.
Cette profession de foi a coïncidé avec la manifestation contre la radiation de Thiam de la liste électorale que le PDCI-RDA projetait de tenir à la place Trocadero, à Paris (finalement annulée) et à laquelle le PPA-CI a refusé de participer. Pour le sauve-qui-peut.
Et cette occurrence frappe la sortie de Gbagbo d’un bemol qui pourrait la faire flirter avec l’opportunisme et la récupération politicienne.
De plus, en ayant interpelé publiquement, au Comité central, Sébastien Dano Djédjé, le président exécutif du PPA-CI, Gbagbo a trahi qu’il lance par-à coup et à la cantonade le vaste mouvement « trop c’est trop », censé s’adresser à tous les Ivoiriens de tout bord et de toute sensibilité, déçus du régime Ouattara.
Et cette initiative, encore sans contenu, court le risque de devenir uniquement un slogan. Elle souffre, en réalité, du même péché originel qui a paralysé son appel de Bonoua (juillet 2024), pour rassembler « tous ceux qui ne veulent plus voir ce gouvernement au pouvoir après 2025 »: l’improvisation et l’impréparation.
À cause de ce talon d’Achille, qui a plombé cet appel, Gbagbo lui-même a fini par tourner le dos aux alliances et aux blocs stratégiques face au pouvoir pour choisir de faire cavalier seul. Comme au bon vieux temps de la Coordination de la gauche démocratique.
Et dans ce méli-mélo, le président du PPA-CI n’a plus lancé le mot d’ordre promis pour lequel des centaines de militants ont accouru au siège du parti. Les temps s’écoulent ainsi pour cet historique combattant de la liberté.
Et si Gbagbo reste un des derniers dinosaures de l’arène, ses prises de position, de plus en plus par sursaut, indiquent que cette redoutable bête politique commence à manquer et de projets sans équivoque et de crocs.
F. M. Bally
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
