Le compte à rebours a repris. Alassane Ouattara lorgne le deuxième mandat présidentiel de la IIIe République, pour les uns. Et le quatrième, pour les autres.
Si certains sautent donc de joie et exultent, d’autres, groggy, sont K.O. deboutE
En effet, emporté par l’orgasme du pouvoir et les pressions de toutes sortes, le chef de l’État sortant est animé par l’envie de rempiler. Pour suivre les traces de Paul Biya, Sassou Nguesso et Paul Kagame. Et Ouattara commence à être soupçonné de souffrir d’un trouble du comportement. Qui pourrait confiner à la volonté irrépressible de se contredire. Ayant entraîné dans son sillage son régime, il fait exactement, sur le sujet particulier de la présidentielle, le contraire de ce qu’il dit.
Sans état d’âme. Et la parole donnée n’est plus une éthique et n’a plus aucune valeur sous nos cieux.
Ainsi, à l’instar de Koné Nabagné Bruno, alors porte-parole du gouvernement, qui soutenait mordicus que. « Ouattara est déjà à deux mandats; il ne s’appliquera pas à lui-même la nouvelle Constitution ». (cf. Le Patriote du samedi 4 juin et dimanche 5 juin 2016), Alassane Ouattara, qui soutenait déjà en 2010 qu’il ne ferait qu’un seul mandat pour « rendre ce pays émergent », était formel, le 5 octobre 2016, devant les députés. « Le mandat du président de la République est de cinq ans, renouvelable une fois. Et je répète : le mandat du président de la République est de cinq ans renouvelable une fois. »
Dans une interview à la RTI et à TV5 Monde, il renchérissait.
« C’est une nouvelle Constitution pour la IIIe République de Côte d’Ivoire. Mais j’ajoute que ce n’est pas pour essayer de briguer un troisième mandat. »
Et avant d’objecter, en octobre 2020, qu’il lui « sera difficile, voire impossible d’être candidat en 2025 », sur les antennes de France 24. Il était tout feu tout flamme devant le Conseil politique du RHDP. « Je veux un pays en paix et je ne serai pas candidat (en 2020). En réalité, ma décision est prise il y a environ deux ans ». A-t-il déblayé le terrain pour poursuivre et convaincre de sa décision finale : « En rédigeant la nouvelle Constitution, je me souviens que mon frère et ami Ouraga Obou (président du comité d’experts chargé de la rédaction) m’a dit.’Président, si on laisse la Constitution comme ça, cela veut dire que vous pouvez faire deux autres mandats’. J’ai dit : ‘Ouraga, moi, je ne ferai pas quatre mandats parce que je ne veux pas me retrouver président à 90 ans.‘ »
Mais, patatras ! Comme dans la fable de Jean de La Fontaine, tout flatteur ne vit qu’aux dépens de celui qui l’écoute. Ouattara finit, en octobre 2025, son troisième mandat et se déclare, à 83 ans, « en pleine santé, prêt à continuer de servir le pays » pour un quatrième quinquennat.
Cerise sur le gâteau, le 17 novembre 2017, il s’ingérait, comme un sous-traitant, dans la crise zimbabwéenne pour s’ériger en donneur de leçons. « Dans ce monde qui change, » selon lui, il exigeait du président Robert Mugabe qu’il rende le tablier pour laisser la place « à une nouvelle génération. »
À la pratique, son monde est figé. Et la critique se révèle aisée et l’art, difficile. Ouattara fait sienne cette phrase devenue proverbiale : « Fais ce que je dis, pas ce que je fais. »
F. M. Bally
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE