À 83 ans, après 14 années de gouvernance présidentielle et une carrière jalonnée de succès dans les plus hautes fonctions d’État et d’institutions internationales, M. Alassane Ouattara persiste à rester au pouvoir.
En affirmant , devant le corps diplomatique réuni, être « en pleine forme » et « désireux de continuer à servir », il vient, en réalité, de lever les derniers doutes et d’annoncer sa candidature pour un autre mandat. Le faux suspense n’abuse plus personne.
Mais cette annonce interpelle sur un point fondamental. Où situe-t-il sa responsabilité morale et politique en tant qu’homme face à son pays et à son peuple ? Où est ce sens de l’Histoire qui pousse les grands leaders à passer le relais, à laisser la place à une nouvelle génération et à se retirer avec dignité ? Ces questions éthiques ont-elles effleuré un tant soit peu ses réflexions et sa “décision” telle qu’annoncée ?
Vouloir continuer à façonner les destins de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants ivoiriens, dans un monde en pleine mutation, peut-il encore être un projet politique légitime ?
Un homme d’État est jugé sur ses accomplissements passés. Mais aussi sur sa capacité à reconnaître que le renouvellement démocratique est une force. Et NON UNE MENACE. La responsabilité morale et politique exige de savoir s’effacer. Pour permettre à une nation de s’épanouir sous de nouvelles perspectives, adaptées aux défis d’aujourd’hui.
Bien que le Président Ouattara soit un esprit brillant et doté d’une intelligence indéniable, j’ai peine à croire qu’il maîtrise bien et encore les codes de ce nouveau monde.
Un monde entrain d’être façonné par l’intelligence artificielle et les transformations rapides.
Vouloir garantir le futur de ses arrière-petits-enfants dans ce siècle d’innovation est, à mon humble avis, une ambition tout simplement irréaliste.
Nelson Mandela, qui n’a servi qu’un mandat de quatre ans, nous a pourtant laissé un héritage impérissable. Celui de savoir que renoncer au pouvoir n’est pas une faiblesse. Surtout après 15 années de réalisations « inattaquables ».
Le grand homme d’Afrique du Sud a montré que c’est au contraire un acte de grandeur, une preuve de lucidité. C’est dire que si notre cher Président avait osé, il aurait offert un cadeau d’avenir pour la Côte d’Ivoire.
Mandela, par son exemple, a offert à l’Afrique du Sud et au monde entier cette leçon inestimable. “Ce qui compte dans la vie, ce n’est pas le fait d’avoir vécu. C’est la différence que l’on a faite dans la vie des autres.”
Oui, quelle trace notre Président veut-il laisser dans nos âmes et dans celles des générations suivantes ?
Persister au-delà du raisonnable, en refusant de céder la place, n’est pas seulement une barrière à la démocratie. C’est une trahison des attentes d’un peuple qui aspire à un renouveau. À 83 ans, après une carrière auréolée de succès indéniables, le devoir du Président Alassane Ouattara, en tant qu’homme d’État, est de transmettre. Transmettre non seulement le pouvoir, mais aussi une vision, des valeurs.
Et une gouvernance fondées sur la justice, l’équité et l’inclusion.
Qu’a-t-il encore à prouver ? Ou bien son ambition se résume-t-elle à servir les intérêts d’une famille, de laudateurs et de courtisans insatiables ?
Je ressens avec beaucoup de peine son refus d’assumer sa responsabilité historique, qui est celle de céder le flambeau. Comme une forme de non-assistance à peuple en détresse. La Côte d’Ivoire souffre de mal-être ! La priver ainsi des opportunités qu’offre une transition pacifique me désole. Car c’est condamner les générations futures à l’immobilisme, voire au déclin.
Tant de prétentions et de certitudes arrosées par ses partisans et portées à ce degré, flirtent avec une forme de crime contre l’éthique républicaine. Et la dignité humaine.
En définitive, la politique n’est définitivement pas l’obsession de durer. Mais l’art de bâtir un héritage durable. Mandela nous a montré qu’en se retirant au bon moment, on entre dans l’Histoire avec grandeur. Cette sagesse, qui manque cruellement aujourd’hui à certains dirigeants, aurait dû inspirer le Président Alassane Ouattara. Alors qu’il prétendait « n’avoir pas encore décidé ».
Dr F. Sako
Observateur politique
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE