Un tribunal de Moscou a condamné, lundi 21 octobre, le cinéaste ukrainien Alexandre Rodnianski à huit ans et six mois de prison.
Cette condamnation découle de ses propos tenus sur Instagram concernant les atrocités russes à Boutcha. En avril 2022 les découvertes macabres de 458 corps dans deux fosses communes ont mis en lumière ces atrocités. De plus, on a trouvé plus d’un millier de cadavres de civils dans toute la région.
Rodnianski est également privé du droit d’administrer un site d’information ou un réseau de télécommunications. « Je suis condamné pour des raisons politiques », confie le producteur de 63 ans au Monde. Aujourd’hui, il travaille entre Los Angeles, Milan et Kiev. Alexandre Rodnianski est le créateur de la chaîne de télévision privée 1+1 à Kiev.
Il a donné sa chance à Volodymyr Zelensky, le futur président, en le lançant dans une émission en prime time en 2003. Son fils, Alexandre Rodnianski Junior, est actuellement conseiller économique du chef de l’État ukrainien. Il déclare :
« Des dizaines des meilleurs écrivains et musiciens russes condamnés avant moi. »
Rodnianski souligne que la décision du tribunal vise à instiller la peur dans le monde du cinéma russe. Il précise cependant qu’il n’est pas russe, mais ukrainien. En 2015, le cinéaste Oleg Sentsov avait été condamné à vingt ans de prison pour terrorisme. On a condamné Rodnianski sous un nouvel article du code pénal russe, qui vise la diffusion de fausses informations sur l’armée.
Avant l’invasion de l’Ukraine, Alexandre Rodnianski a travaillé à Moscou, où il a bâti une partie de sa carrière. Il présidait depuis 2005 le plus grand festival de cinéma russe, Kinotavr, à Sotchi. Les films produits par Rodnianski ont reçu de nombreuses récompenses internationales. Y compris à Cannes.
Quatre fois aux Oscars, il a remporté le César du meilleur film étranger pour Faute d’amour en 2018. De plus, il a reçu un Golden Globe en 2015 pour Léviathan. Aux premiers jours de la guerre, le ministre russe de la défense avait demandé d’interdire les travaux de Rodnianski.
« Je ne reconnais pas ma condamnation ni la légitimité du tribunal », s’indigne M. Rodnianski. Il ajoute : « Je continuerai à travailler et à dire la vérité sur l’invasion de l’Ukraine dans les médias et à travers mes films. »
JULIEN BOUABRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE