Accusé d’avoir publié des résultats fictifs avant l’heure, le premier portail d’information du pays écope de 26 jours de suspension. Une décision qui interroge sur la liberté de la presse en période électorale.
L’Autorité nationale de la presse (ANP) s’est réunie pendant plus de deux heures avant de rendre sa décision.
Elle a décidé, ce samedi 25 octobre, de suspendre le site Abidjan.net pour 26 jours, après la publication de résultats fictifs du scrutin présidentiel, la veille de l’élection.
Selon l’ANP, cette publication, qualifiée de « fausse nouvelle », aurait pu troubler la sérénité du processus électoral. Altérer la confiance du public et porter atteinte à la crédibilité du scrutin.
Une décision lourde pour un média considéré comme le premier portail d’information de Côte d’Ivoire.
Une erreur qui coûte cher
Selon plusieurs sources internes, le site aurait mis en ligne des tableaux de résultats préformatés, destinés à faciliter la saisie rapide des vrais chiffres lors de la soirée électorale.
Une opération technique mal maîtrisée, qui aurait entraîné la publication accidentelle de scores fictifs, avant même l’ouverture des bureaux de vote.
Mais la Commission électorale indépendante (CEI), seule habilitée à publier les résultats, avait formellement interdit toute publication de données électorales non officielles.
Face à ce qu’elle considère comme une violation grave, la CEI a porté plainte contre Abidjan.net, par le biais du cabinet d’avocats Binta Bakayoko.
Les poursuites visent à faire constater la diffusion de fausses nouvelles, à engager la responsabilité pénale et civile du média, et à rappeler le caractère sacré de la vérité en période électorale.
Le média reconnaît sa faute
Dans un communiqué, Abidjan.net a reconnu l’erreur et présenté ses excuses publiques, évoquant une « manipulation technique involontaire ».
Mais pour la CEI et l’ANP, le mal était déjà fait.
L’incident a alimenté les soupçons de manipulation et renforcé les discours de méfiance autour d’un scrutin jugé verrouillé par une partie de l’opinion.
entre faute journalistique et excès de zèle institutionnel
Cet épisode illustre le fragile équilibre entre responsabilité médiatique et liberté de la presse en période électorale.
Oui, un média doit être rigoureux, surtout lorsqu’il s’agit d’un scrutin aussi sensible. Publier des chiffres avant l’heure est une faute grave, qui peut semer la confusion dans l’opinion publique.
Mais la sanction – 26 jours de suspension – interroge sur sa proportionnalité.
S’agit-il d’une correction nécessaire, ou d’un avertissement politique envoyé à toute la presse ivoirienne ?
Abidjan.net, par sa notoriété, sert d’exemple. Mais derrière cette suspension, c’est la question du droit à l’erreur dans le journalisme numérique qui se pose.
Dans un écosystème médiatique déjà sous pression, la frontière entre régulation et répression devient ténue.
Et pendant que la justice s’en empare, une vérité demeure :
dans cette présidentielle à haute tension, l’information est aussi un champ de bataille.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
