Contre toute attente, un ancien fidèle du régime pourrait bousculer l’ordre établi dans une présidentielle au suspense inédit.
À 92 ans, Paul Biya affronte une élection où son trône paraît pour la première fois réellement menacé depuis 1992.
Issa Tchiroma, ancien ministre nordiste, se présente désormais comme la figure politique qui ose affronter le vieux président sans trembler.
Candidat surprise, il affirme être arrivé en tête du scrutin du 12 octobre, malgré un système électoral longtemps verrouillé.
Son passé de fidèle du régime ajoute à la surprise : comment un homme du sérail en est-il devenu l’adversaire principal ?
À Garoua, sa ville natale, Issa Tchiroma a réuni des foules inattendues, galvanisées par son discours contre l’immobilisme politique.
Autrefois figure du système, il critique aujourd’hui un pouvoir miné par la corruption, le tribalisme et la dérive autoritaire prolongée.
Le président Biya, au pouvoir depuis 1982, incarne désormais un régime fatigué, coupé des aspirations de la jeunesse camerounaise.
Le « biyayisme » semble perdre son emprise, même dans ses bastions, face à l’élan inattendu suscité par l’ancien porte-parole.
Tchiroma reconnaît lui-même avoir été surpris par la ferveur populaire et la dynamique qu’il sentait croître autour de sa candidature.
La campagne, courte mais intense, a révélé un désir profond d’alternance dans un pays figé par 43 années de règne.
Même si les résultats officiels ne sont pas encore proclamés, l’écho médiatique autour de Tchiroma inquiète les cercles proches du pouvoir.
Les Camerounais, lassés d’un système verrouillé, voient en lui une rupture possible, malgré ses compromissions passées avec le régime.
Les électeurs du Nord, sa base, ont massivement voté pour lui, espérant voir enfin l’un des leurs au sommet.
Tchiroma incarne une nouvelle stratégie : briser le système de l’intérieur, en jouant les codes du pouvoir contre lui-même.
S’il est élu, il devra affronter un appareil d’État hostile et les fantômes d’un régime qu’il a autrefois défendu.
Le 26 octobre, les résultats diront s’il devient président ou symbole éphémère d’un espoir porté par des urnes incertaines.
Mais déjà, sa percée électorale marque un tournant historique dans un pays habitué aux scores soviétiques et à l’absence d’alternance.
Le Cameroun retiendra ce moment où un homme du système a défié l’icône d’un pouvoir usé jusqu’à la corde.
Issa Tchiroma, souvent sous-estimé, s’impose comme la figure inattendue d’un peuple en quête de changement profond et de dignité retrouvée.
Quel que soit le verdict final, il restera celui qui a osé défier l’indétrônable, et ouvert une brèche dans l’Histoire.
JULIEN BOUABRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
