Billon ne combat pas Thiam, il mendie son absence

1 mois

Il suffit parfois d’une phrase, lancée comme une flèche, pour que le politique se blesse lui-même, se confesse.

Quand Jean-Louis Billon ouvre la bouche, l’air inspiré, c’est pour dire récemment que « si Gbagbo et Thiam appellent à ne pas voter, ils auront voulu que Ouattara soit président pour les cinq prochaines années », il croit donner un conseil ou habilement tendre un piège.  En réalité, il confesse — et c’est plus grave. Il avoue, en creux, que sans Thiam, lui Billon candidat retenu ne passe pas.

Le prétendu stratège vient de reconnaître que le seul verrou entre lui et l’insignifiance, c’est Thiam. Voilà donc Billon, assis sur sa propre inutilité, réduisant sa survie politique à un si : « Si Thiam ne fait pas ceci, alors je pourrais peut-être exister ». Triste dépendance. Pire : ridicule aveu.

La population et les électeurs comprennent que le problème de Billon n’est pas Thiam. Le problème de Billon, c’est Billon sans Thiam.
Billon ne construit pas une pensée. Il trahit une crainte. Celle de celui qu’il ne supporte pas.
Billon qui désigne son adversaire comme condition de la victoire de l’autre, confesse en creux qu’il n’est lui-même rien sans cet adversaire. Ce n’est donc pas une accusation. C’est une supplique. Thiam devient, dans l’économie du raisonnement, la variable décisive, l’axe autour duquel tourne toute la dynamique politique que Billon prétend incarner.

C’est ici que Pascal nous éclaire mieux que bien des analystes politiques : « Le moi est haïssable. »
Billon parle au nom d’un “nous”, mais c’est son “moi” blessé qui s’exprime. L’orgueil du prétendant sans couronne.

La frustration du second qui refuse de se savoir tel.

En vérité, la phrase de Billon contient ce que Nietzsche appelait une « vérité réactive » : ce n’est pas une vérité produite par la lucidité. Mais par le ressentiment. Elle dit moins le réel que la douleur de celui qui n’arrive pas à façonner ce réel à son image. Elle est une tentative désespérée de réinscrire Billon dans une bataille dont il s’est, bien que figurant sur la liste des candidats, auto-exclu.

Car si Billon avait un projet, il ne parlerait pas de Thiam que le pouvoir a mis à la périphérie par crainte ; il construirait une adhésion. Mais faute de vision, il désigne des cibles. À défaut d’être au centre, il tente de tirer sur celui qui l’est devenu.

Ce comportement n’est pas neuf. Machiavel le décrit dans Le Prince, lorsqu’il évoque les ambitieux sans vertu politique : ceux qui veulent la couronne sans en assumer le poids, ceux qui rêvent du pouvoir comme d’une promotion, non comme d’un service.
Billon rêve de la fonction, mais Thiam incarne la stature. Là est toute la différence.

Thiam, même loin, agit. Il ne s’enferme pas dans le bavardage d’une opposition d’arrière-boutique. Il trace sa route, rassemble, structure, réforme, réforme même le PDCI dans son ADN. Là où Billon invoque les sigles d’une coalition hétéroclite, Thiam s’adresse à l’histoire. Lui ne cherche pas à figurer dans un tableau. Il veut peindre une trajectoire.

L’on comprend alors pourquoi Billon s’agite : parce qu’il pressent qu’il n’est plus au cœur du dispositif. Son verbe devient une tentative de rattraper une légitimité qui lui échappe.

Mais à vouloir trop parler pour masquer le vide, il finit par l’exhiber

Il tente une logique perverse : celui qui n’adhère pas à son programme-fantôme devient complice du pouvoir en place. Mais quel programme ? Quelle vision ? Quelle colonne vertébrale, sinon un agglomérat de sigles que même Google ne reconnaît pas ?
Billon ne propose rien, il dénonce ceux qui ne le suivent pas.

Et dans cet exercice, il ne s’entoure que de Ropéros pour parler comme un candidat à la Présidentielle, de clones. Des suiveurs sans épaisseur, de petits soldats de la communication creuse. Le plus zélé d’entre eux : Kahou Bi Kahou, secrétaire général du CODE (coalition démocratique). Le code regrouperait dix-huit partis : une sorte de carnaval démocratique où chacun porte un masque et espère être vu. Mais personne ne sait qui danse avec qui.

PCA, ADN CI, JDV CI, PIA (parti pour l’intégration africaine), Forum d’actions républicaines… sont les sigles des partis qui suivent Billon.
Kahou Bi Kahou créature ropérienne typique : plus prompt à tenter d’essayer de parvenir à réciter qu’à penser, plus loyal à la stratégie du moment qu’aux valeurs du parti. Un exécuteur d’ambitions floues, le type même de “second utile”, qui, dans l’histoire, finit toujours comme figurant du pouvoir, jamais comme acteur du destin.

Le plus drôle ? C’est que Billon, sans le vouloir, consacre Thiam.

En le nommant, en lui prêtant ce pouvoir de faire tomber Ouattara d’un simple geste — en faisant de lui l’élément-clef du scénario — il le couronne.
L’homme que Billon tente de décrédibiliser est celui dont il reconnaît l’influence, la capacité de décision, la centralité. Et que fait Billon, pendant ce temps ? Il s’agite dans une coalition sans colonne, une “opposition” de laboratoire montée comme un événement LinkedIn. Un PowerPoint sans peuple.

Il faut bien le dire. Billon ne combat pas Thiam. Il mendie son absence. Et il espère que Thiam se retire pour mieux briller. Mais personne ne brille dans un désert. Et sûrement pas lui.

Thiam, lui, n’a rien dit. Et c’est ce silence qui prend la parole. Dessus le vacarme, il construit, rassemble, avance. Pendant que les Ropéros s’égosillent.

Billon, malgré ses apparitions, ses déclarations, ses alliances en toc, reste un bruit de fond presqu’inaudible.

Thiam est un tempo.
ETHAN GNOGBO
photo: dr
POUVOIRS MAGAZINE

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