Il fallait s’y attendre. L’annonce du report de la marche de protestation du PDCI-RDA, initialement prévue pour ce mercredi 11 juin 2025, n’a surpris personne.
À deux jours de l’événement, l’itinéraire restait flou, signe d’un manque d’anticipation. Ce flou n’est pas anodin. Il révèle surtout les limites d’un appareil politique peu habitué à ce type d’exercice, qui demande autant de stratégie que de culture de la rue.
Car il faut le dire : la manifestation publique, dans le paysage politique ivoirien, n’est pas un art partagé. C’est un terrain historiquement occupé — et souvent maîtrisé — par le FPI version Gbagbo, qui en a fait un levier de mobilisation populaire redoutable. Le PPA-CI a hérité de cet héritage. Le PDCI, en revanche, n’a jamais véritablement intégré cette culture dans son ADN.
Difficile, donc, de compter sur des cadres rompus aux salons feutrés et abonnés aux grosses cylindrées pour battre le pavé. Ils vont, comme souvent, faire marcher les autres. Sauf que depuis le désamour entre le peuple des rues et les élites politiques traditionnelles, « les autres » ne marchent plus pour « les uns ».
Et c’est là le cœur du problème.
Annoncée en grande pompe le 7 juin par le porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy, cette marche visait à dénoncer les « dérives autoritaires » du régime actuel et à exiger plus de transparence dans le processus électoral, après la publication le 4 juin de la liste électorale 2025. Une liste dans laquelle ne figure pas le nom de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, ni celui d’autres figures majeures de l’opposition. Pour le PDCI, c’est une ligne rouge.
Le message politique, pourtant, peine à passer. Reportée au samedi 14 juin après discussions avec les autorités préfectorales, la manifestation donne déjà le sentiment d’un recul. Or dans un contexte où la crédibilité d’un parti d’opposition se mesure aussi à sa capacité à mobiliser, à résister et à incarner une alternative ferme, ce genre d’impréparation affaiblit plus qu’il ne renforce.
L’intention est là, mais la mise en œuvre révèle un parti encore en transition, cherchant sa voix — et peut-être même sa voie — dans une opposition fragmentée et en quête d’incarnation populaire. La rue ne se décrète pas. Elle se gagne.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE