PDCI : Frères ennemis, mémoire courte et avenir incertain

1 mois

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), doyen des formations politiques ivoiriennes, semble être devenu l’otage d’un cycle récurrent de fratricides.

Une mécanique bien huilée, qui sacrifie les ambitions collectives sur l’autel des rivalités personnelles. Depuis 1999, tout porte à croire que ce cercle vicieux broie dans son engrenage la cause nationale pourtant inhérente à l’essence même du PDCI-RDA. 

En effet, depuis la fin de l’ère Houphouët-Boigny, les héritiers du vieux parti peinent à faire bloc, préférant la division à l’unité, l’ambition personnelle à la cohérence stratégique qui conduisant à la reconquête du pouvoir. 

Il faut se souvenir de l’appel de Daoukro, lancé en grande pompe par Henri Konan Bédié, depuis sa résidence. Ce fut une offrande politique à Alassane Ouattara, que Bédié finira par regretter, se disant trahi par son allié d’un temps. Dans cette manœuvre, Charles Konan Banny, pourtant compagnon de route et directeur de campagne d’Ouattara en 2010, fut sacrifié. Bédié, à qui Ouattara était contraint de passer le flambeau, aurait dû le transmettre à Banny. Il choisit plutôt de reconduire son “frère” dans un nouveau mandat, en échange – symbole cruel – du pont de la Riviera baptisé à son nom.

L’histoire, comme souvent, bégaie.

Aujourd’hui, Bédié disparu, le PDCI semble s’acheminer vers une répétition de ces errements. Jean-Louis Billon et Tidjane Thiam se livrent une guerre de positionnement, pendant que Maurice Kacou Guikahué, gardien du temple autoproclamé, défait Thiam de l’intérieur, et déroule le tapis à la candidature du RHDP – probablement incarnée par Ouattara lui-même. Un comble. Tous, -surtout les tireurs au flanc- paieront cash la note du désastre qui pointe à l’horizon mais qu’importe. 

Ceux qui, depuis longtemps, observent la vie politique savent que les tensions internes sont inhérentes à tout grand parti. Elles alimentent sa vitalité, mais peuvent aussi précipiter sa chute. La clé réside dans la capacité à fédérer, à construire des convergences, même temporaires, au service d’un cap commun. Bédié, quoi qu’on en pense, avait su le faire – notamment avec Guikahué – quitte à piétiner les textes du parti, mais avec une légitimité suffisante pour imposer sa ligne, comme lors de l’appel de Daoukro.

Tidjane Thiam, lui, fait face à une équation autrement plus complexe. À peine désigné, il a été projeté au cœur d’une bataille présidentielle, sans préparation, avec un appareil rongé par l’immobilisme, l’unanimisme affiché, la nostalgie du « chef », et un clientélisme enraciné.

Guikahué, omniprésent mais sans souffle, aura incarné cette gestion de l’immédiat.

Sans vision ni transmission. Le parti n’a jamais été préparé à la relève – ni générationnelle, ni stratégique. Résultat : Thiam hérite d’un navire troué, sur lequel il doit bâtir un projet crédible en un temps record. D’où, sans doute, l’enthousiasme initial suscité par son arrivée : enfin une alternative, un souffle nouveau, une figure capable de porter haut le flambeau houphouétiste. Mais les vents contraires sont puissants.

Le soutien des “vieux” du parti à Thiam n’est pas anodin. Il dépasse sa seule personne. Dans une logique identitaire – assumée ou non – ils voient en lui un lien symbolique avec Félix Houphouët-Boigny, et donc un moyen de retenir l’électorat baoulé, constamment courtisé par le RHDP à coups de promesses et de liasses.

Dans cette stratégie, Amédé Kouakou et d’autres figures du pouvoir cherchent à offrir les Baoulés à Ouattara. Les caciques du PDCI, eux, préfèrent jouer la carte Thiam, qu’ils relient à FHB dans l’espoir de cimenter l’identité du parti et de préserver son ancrage.

Akossi Bendjo, autre potentiel prétendant à la présidence du PDCI, l’a bien compris. Il observe une attitude qui vaut programme. Et prouve par sa sagesse que la politique ne se résume ni à l’aura personnelle, ni aux moyens financiers, mais à la capacité d’organiser, de fédérer et de durer pour atteindre l’objectif stratégique : le pouvoir d’Etat.

C’est là, précisément, que réside le défi de Tidjane Thiam.

Peut-il, en si peu de temps, malgré les violents assauts du pouvoir, 

résoudre cette équation complexe ? Peut-il rassembler, structurer, imposer un cap à un parti rongé par les rivalités et l’impatience ? Peut-il résister à ceux qui, depuis l’intérieur, travaillent à sa chute pour mieux renvoyer l’ascenseur au pouvoir en place ?

À quelques mois de l’échéance de 2025, la question reste entière.

Et une autre s’impose, plus brutale encore : est-il déjà trop tard pour le PDCI ? Rien n’est moins sûr paradoxalement pour ce parti qui, au cours de sa longue histoire, a relevé tant et tant de défis et qui a récemment, en 48 heures seulement, réussi une démission, un congrès, une élection avec un chef re-ivoirisé, combattif qui tient toujours le gouvernail. 

ALEX KIPRE

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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