« Confier les récits oraux aux enfants est un gage de pérennité dans la mesure où ceux-ci pourront les perpétuer et les transmettre. »
Cette maxime du vieux sage et oraliste Amadou Hampâté Bâ résume la vocation du festival Ivoire Graine de Conteur, qui se destine à former les tout-petits à travers cette institution traditionnelle africaine de transmission de valeurs qu’est le conte. La conteuse professionnelle Florence Kouadio, alias Flopy Mendosa, a rappelé cette parole profonde de son illustre devancier, le samedi 8 février, sur la scène de l’Institut Français lors du spectacle de clôture de la 6ème édition d’Ivoire Graine de Conteur.
Cette 6ème édition du programme de formation traitait justement de la thématique des personnages historiques africains, dont les récits de vie sont des enseignements. Ainsi, dans le spectacle de conte qu’ils ont présenté, les enfants conteurs ont narré avec une touche de mise en scène les histoires de grandes figures africaines telles que Chaka Zoulou d’Afrique du Sud, la princesse guerrière Nzinga d’Angola, la reine Baoulé Abla Pokou de Côte d’Ivoire, la princesse Yennenga du Burkina Faso, Soundjata Kéita du Mali, etc.
L’histoire de ces héros et héroïnes africains ravive la fierté africaine.
Et donne des repères historiques à la formation des tout-petits qui ne les connaissaient pas auparavant. Se réapproprier notre histoire africaine, s’identifier à des héros ou héroïnes, participe à valoriser la grande histoire ancestrale. Laquelle a toute sa place dans la grande histoire de l’humanité, n’en déplaise à des esprits suprématistes.
Le conte a été de tout temps en Afrique le canal par excellence d’enseignement des enfants aux valeurs. Cette institution de tradition orale est en soi une école de pensée africaine. Nombreux sont les Africains de grande valeur à avoir été formés et dont cette école a façonné l’imaginaire.
Raison pour laquelle des initiatives comme celle d’Ivoire Graine de Conteur, que mène Flopy, sont à saluer. A accompagner et à promouvoir. Le rendu des enfants sur scène a été impeccable dans la narration, la diction et l’expression dramaturgique. Si l’on ne considère pas les petits oublis de texte dus à leurs jeunes esprits.
Innovation de cette 6ème édition : l’hommage de Flopy aux pionniers du conte ivoirien s’inscrit également dans cette ligne de célébration du mérite des anciens.
Ainsi, Alexis Djisso (premier conteur émérite de la télévision nationale), Konan Amani Pépin (premier enseignant de conte à l’INSAAC).
Mamie Amoin (première femme conteuse à la télévision), Obin Manféï (premier conteur ivoirien professionnel en Europe), Taxi Conteur (premier conteur à initier une école de formation de jeunes à Abidjan) ont été mis à l’honneur lors de cette édition.
Flopy leur a exprimé, au nom de la corporation des jeunes conteurs ivoiriens, toute son admiration. Et son respect face à l’œuvre qu’ils ont accomplie pour la promotion de cet art oratoire en Côte d’Ivoire.
Comme de tradition, le festival a proposé un volet formation, à l’endroit, cette année, de bibliothécaires et institutrices, pour leur « apprendre à conter pour distraire et enseigner ». Par ailleurs, grâce au soutien d’un partenaire du secteur du livre, des enfants de Divo étaient présents à ce spectacle de conte.
L’ambition de Flopy est justement d’emmener son programme à l’intérieur du pays à la rencontre des enfants de là-bas. Pour cela, l’enseignante de l’INSAAC a besoin du soutien de personnes de bonne volonté. Flopy ne démord pas malgré tout et voit grand pour son festival, qui sera à sa 7ème édition en 2026. Pour l’amour du conte !
Aaron Leslie
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE