Le 6e lettre du prêtre ivoirien au Pape François

1 mois

Il y a quelques semaines nous faisions état d’un prête ivoirien qui avait écrit au Pape François alors en mission visite en Belgique. Nous revenons sur ces portions de lettre. Avant d’entamer les remarques sur les autres, nous nous arrêtons sur la 6e lettre qui nous a particulièrement frappé.

Cette lettre VI du prêtre ivoirien, émanant d’Abidjan et s’adressant à Sa Sainteté le pape François, se présente comme une réflexion à la fois profonde et lumineuse. Réflexion sur la relation complexe entre culture et foi chrétienne en Afrique. Cet auteur prolifique, ayant signé plus de vingt ouvrages, incarne la sagesse d’un homme de Dieu enraciné dans son temps. Conscient des enjeux contemporains qui affectent le continent africain et, par extension, l’Église universelle.

Dans son attaque, une sorte d’introduction, le prêtre se positionne comme un intermédiaire entre la culture ancestrale de l’Afrique et les enseignements de l’Église. En dissociant le refus de Fiducia supplicans des simples considérations culturelles, il souligne que la résistance des Églises africaines à certaines bénédictions ne se limite pas à un rejet de la modernité.

Mais qu’elle est également ancrée dans des convictions doctrinales et bibliques. Par cette dissociation, il invite à une relecture des enjeux spirituels, exposant la nécessité d’un dialogue qui transcende les préjugés et les stéréotypes.

Le prêtre met en exergue le défi monumental que représente la jeunesse africaine, symbolisée par les 400 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans. Ce chiffre, rien qu’à lui seul, est un appel à la responsabilité pour l’Église.

Réflexion sur la Jeunesse

Loin de se réduire à une simple statistique, il incarne l’avenir d’un continent riche de potentiel. Ces jeunes, souvent déconnectés des rites d’initiation qui faisaient autrefois d’eux des membres à part entière de la société, cherchent désespérément des repères. Il est impératif que l’Église, dans sa mission évangélisatrice, leur offre un espace d’épanouissement, où ils peuvent renouer avec leur identité tout en cultivant leur foi.

En évoquant leur quête d’appartenance, le prêtre évoque une image poignante : celle de jeunes qui, bien que n’ayant pas toujours vécu les rites traditionnels, aspirent à s’ancrer dans une culture qu’ils n’ont pas toujours eu l’occasion d’expérimenter pleinement. Dans cette lutte pour la reconnaissance et la valorisation de leurs racines, il apparaît que ces jeunes n’éprouvent aucune animosité envers les autres cultures. Au contraire, ils affichent une ouverture d’esprit remarquable, capable d’intégrer des valeurs étrangères tout en préservant leur essence africaine. C’est là une richesse à valoriser, une promesse d’un avenir où diversité et unité coexistent harmonieusement.

La question de l’africanisation du christianisme émerge comme un fil conducteur dans cette missive. Le prêtre plaide pour une réévaluation des méthodes d’évangélisation. Il suggère qu’une approche authentique doit reconnaître et intégrer les valeurs spirituelles des cultures africaines.

L’art de la rencontre

Cela implique une transformation radicale du discours missionnaire, qui doit aller au-delà de la simple imposition de doctrines. En revendiquant une évangélisation contextualisée, il ouvre la voie à une spiritualité qui se nourrit des racines culturelles. Et qui permet à la foi de s’épanouir en résonance avec les réalités vécues des fidèles.

Le prêtre insiste sur l’importance d’un dialogue véritable. Un échange où l’Église et la culture africaine se rencontrent en toute honnêteté. Cette rencontre n’est pas sans rappeler la notion de koinonia. Cette communion fraternelle qui dépasse les simples interactions humaines pour embrasser une réalité spirituelle profonde. En œuvrant pour une intégration harmonieuse des éléments culturels dans la foi, l’Église peut non seulement renforcer ses liens avec les fidèles. Mais aussi encourager une réflexion critique sur la manière dont les croyances s’expriment à travers des pratiques culturelles.

À travers son propos, le prêtre ivoirien formule un appel pressant à l’engagement de l’Église dans les défis sociopolitiques contemporains. Il évoque l’urgente  nécessité de politiques audacieuses qui favorisent la formation et l’insertion des jeunes dans le tissu économique. Ce besoin d’engagement ne se limite pas à des actions concrètes. Mais doit également et même surtout passer par une sensibilisation des jeunes à leur rôle en tant qu’agents de changement. Nulle part, dans un premier temps qu’au sein de leur communauté.

Le prêtre aborde également la question de l’exode rural et des migrations. Soulignant que, même en quête d’un avenir meilleur, les jeunes gardent un lien profond avec leur terre d’origine.

Une église en mutation

L’homme de Dieu évoque les défis de l’intégration dans de nouveaux contextes culturels, où ils sont souvent confrontés à l’incompréhension. Mais où ils parviennent à s’adapter sans renier leur africanité. Cet équilibre délicat témoigne d’une sagesse et d’une résilience remarquables, des qualités que l’Église doit reconnaître et célébrer.

En définitive, la lettre du prêtre africain au pape François résonne comme un hymne à la fois personnel et universel. Portant un message d’espoir et de défi. Son plaidoyer en faveur d’une église plus inclusive et attentive aux réalités africaines ouvre un espace de réflexion. Réflexion sur la manière dont la foi peut se vivre et s’exprimer dans la pluralité des cultures. En inscrivant son propos dans une démarche de compréhension mutuelle, il appelle à un renouvellement spirituel qui pourrait transformer les cœurs et les esprits, non seulement en Afrique, mais également au sein de l’Église catholique dans son ensemble.

Cette missive ne se contente pas de soulever des questions : elle appelle à l’action, à la conversion des mentalités et des pratiques. C’est une invitation à bâtir des ponts entre les cultures. A reconnaître la richesse de la diversité et à valoriser les expériences vécues. Ainsi, le prêtre, en tant que voix des sans-voix, nous pousse à envisager un futur autre. Un avenir où l’Église, en tant que corps du Christ, serait véritablement le reflet de l’humanité, riche de ses différences. Et unie dans sa quête de transcendance.

ALEX KIPRE

photo : dr à titre illustratif

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