Théâtre /Tatiana Rojo, comédienne : « Je l’appelais 5 minutes avant de jouer »

4 mois

La comédienne, Tatiana Rojo, dans cet entretien revient  sur ses débuts et son parcours dans le milieu du théâtre.

« La dame de fer » s’inspire de votre mère, feue Zadi Michelle me semble t-il..

En effet ! Ma mère était mon plus grand fan dans mes débuts. De son vivant, à chaque fois que je montais sur une scène, elle allumait une bougie et priait pour moi. Souvent, je l’appelais au téléphone 5 mn avant de jouer et sa voix m’encourageait, me permettait d’y aller. Elle me disait « Amou tati, le seigneur est avec toi. J’ai allumé les bougies, ça va marcher »

Elle n’est plus de ce monde, mais ses prières continuent  de me porter. Et je fléchis toujours les genoux comme elle. Paix à son âme. Il y a toujours cette pensée pour elle quand je joue la pièce ici dans le pays de « la dame de fer », feue ma mère. Il y aura mes sœurs mes tantes, mes nièces, à mes côtés pour la revivre ensemble  à travers cette pièce. Ce spectacle, il représente ma vie en quelque sorte, et surtout celle de ma mère à qui je rends hommage.

Vous êtes née en France, vous retournez toute petite en Côte d’Ivoire avec votre mère après sa séparation d’avec votre père. San Pedro vous accueille. Là-bas au Lycée Inagohi, vous décrochez votre Bac en 1998. Entre temps, vous avez intégré une petite compagnie où vous avez appris à faire le théâtre, l’humour. Quels sont les souvenirs que vous gardez de cette époque ?

Les souvenirs sont lourds, assez présents, c’est vrai. Le plus beau souvenir de tout ça c’est quand j’ai eu mon visa pour retourner en France après toutes ces années à San Pedro. Je ne connaissais pas même Abidjan (rire). Donc voilà, le ministère de la Culture, avec feu Zadi Zaourou m’avait obtenu un stage en France, chez Claudie Ossart.

Alors, une fois mes papiers en poche, j’ai d’abord crié ‘Gnian » (rire) mais en même temps j’étais peiné parce que j’allais laisser ma mère seule, dans un quartier loin de tout. Déjà dans ses prières, elle disait « Seigneur tu nous éloignes de notre fille ».

Aujourd’hui, qu’elle est décédée…(elle s’arrête, très émue)… (Elle reprend une bonne mine) Bon, ça c’est un souvenir un peu triste, mais quelle joie ! Du coup dans mon spectacle « La dame de fer », je parle un peu de tout. L’arrivée en France et ensuite faire plein de petits boulots pour se maintenir. L’autre beau souvenir aussi, c’est quand j’ai joué mon premier film.

Justement, quand-est ce que ce premier rôle arrive ?

C’était en 2002, je venais de faire mon deuxième fils. C’est là que j’ai décroché le rôle de « Fatou, la malienne ». Le réalisateur était un ami de mon époux. Je le harcelais, à la limite, pour qu’il me donne un rôle. Au départ, j’étais parti pour être  figurant mais au final j’ai décroché un des rôles principaux. Dans les castings, j’ai fait avec mon accent d’ivoirienne et voilà ça  a marché, il a apprécié l’authenticité. Donc c’est parti de là, mais ce n’était pas gagné.

Les rôles se sont enchainés ensuite. Vous avez joué dans  « Les rayures du zèbre»  avec Benoît Poelvoorde ;  après  « Le crocodile du Bostwanga »  de Thomas N’Gijol, puis « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu » 1 et 2 avec Christian Clavier…. Alors,  cette évolution-là tient de quoi ?

Le milieu du cinéma, ça peut aller tout d’un coup, boom, comme aussi vous pouvez galérer. Je pense que c’est une histoire de saison et aussi de travail. « Les rayures du zèbre », j’ai fait ça dans la période où j’ai perdu ma mère. Et j’avoue que je n’avais jamais eu autant de scénarii. En même temps, je me suis dit que les prières de ma mère ont été entendues. Zadi Michelle n’a pas prié pour rien. Après, le succès aussi, c’est de bouche à oreille.

Par exemple, besoin d’une fille authentique, bah c’est Tatiana ! Mais ce qui m’a beaucoup aidé dans tout ça, c’est le spectacle « La dame de fer ». La trame du spectacle, c’est  toute mon histoire, tous mes déboires en France.

Le spectacle m’a permis de sortir de moi. C’est un metteur en scène qui a vu la pièce bien après qui m’a réorientée dans la mise en scène. Il a souhaité que le personnage principal (ma mère que j’incarne), soit au centre, pour montrer comment une mère à elle seule peut élever ses enfants. D’où le titre qui est devenu « La dame de fer ». Aujourd’hui, s’il y a une chose dont je suis fier, après mes enfants, c’est cette pièce ; elle a tourné un peu partout. J’ai joué au Maroc, au Canada, dans des petites villes de France. Et le public adore ! Au début, on me disait que ça ne marcherait pas, que ça n’entrait pas dans les mœurs des français parce que c’était trop cliché, mais au final ce fut un succès.

Qu’est-ce qui fait la particularité de l’actrice Tatiana Rojo  dans l’univers du cinéma en France ?

Je dirais que  c’est mon authenticité. Je le suis et je le resterai ! Je sais une chose : Molière ne fait pas partie de mes ​aïeux (rires). Je reste ce que je suis.

Sans non plus être l’ivoirienne de service, quoi. Et je travaille mes émotions. J’ai quelqu’un pour me coacher dans ce sens. Comment dire une phrase d’une certaine façon, comment se fondre dans un personnage, bref, c’est du boulot. Mais il y a aussi que la honte, je ne connais pas (sourire), j’allais dans des castings où je n’ai en principe pas le droit d’y être.

Donc voilà, des fois, c’est mon courage qui m’a fait obtenir des rôles ! En me déchargeant de toute gêne (rire).  Mais c’est indicatif cette révélation de ma mère : je tiendrais en fait ce caractère comique de mon grand-père : Zadi André.  Il parait qu’à son époque, il avait une grande renommée dans la région de Soubré, pour son don de comédie

C’est quoi la différence entre Tatiana Rojo et Amoutati ?

Tatiana Rojo, c’est mon nom de mariée. Rojo, le nom de mon époux et Amoutati  (la bonne prononciation c’est Amon ‘ Tati qui veut dire « moi Tati », en Bété).

C’est le personnage  que je campe. C’est la jeune fille qui arrive en France et qui dit  (elle mime le personnage sur scène) « moi Tati, je vais réussir » (rires). Amoutati est un personnage authentique qui  voulait se prouver que peu importe les difficultés qui vont se dresser sur son parcours, elle arriverait à s’en sortir. A partir de là, le personnage a été créé. Au tout début donc, en 2009, le spectacle s’appelait «  Amoutati » simplement  pour exprimer ce que je suis, c’est la force intérieure qui m’anime, la force de ma foi. Donc Amoutati, Tatiana Rojo, c’est les deux faces de la même personne.

Qu’est-ce qui a changé dans votre façon de travailler après toutes ces années ?

Je suis devenu un peu plus exigeante envers moi-même concernant le travail. J’ai la chance de bosser avec un super metteur en scène, Eric Checco, avec qui nous travaillons énormément les castings. Et le résultat, il est ce qu’il est. Alors, je fidélise les réalisateurs à bosser avec moi (rires). J’ai franchi un cap dans le  travail, certes, mais à chaque nouveau projet je me renouvelle et travaille le magma intérieur pour me transcender et aller plus loin.

Propos recueillis par HARON LESLIE

Crédit photo Philippe brelot/ Studio Piscop

 

POUVOIRS MAGAZINE

OPINIONS

DU MEME SUJET

Théâtre : Rebecca Kompaoré, éclosion d’une comédienne

La comédienne a présenté« Je suis à prendre ou à laisser »

Asalfo invite les jeunes à la gestion de stress et à la promotion de la résilience

En attendant la conférence de presse de lancement qui se déroulera le