À quatre jours de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le sang a déjà coulé. Trois morts. Et la mémoire de 2010 hante chaque rue.
Alors qu’un peuple espère la paix, certains tombent, encore, pour une urne. Réflexion sur l’absurde sacrifice d’une vie pour désigner un président.
La Côte d’Ivoire compte déjà trois morts pour une élection dont le peuple attend encore le calme et la justice.
À Bonoua, Agboville et Daloa, des familles pleurent pendant que d’autres lèvent les bras pour acclamer des visages de campagne.
Ernest Christophe, Daniogo Klénon, Kprohi Marc : ils ne connaissaient peut-être pas les cinq candidats, mais sont morts à cause d’eux.
Faut-il que choisir un président implique de perdre un frère, un fils, un soldat, pour valider un bulletin de vote ?
Une élection est un moment de parole citoyenne, pas un théâtre de balles, d’affrontements ou d’interrogatoires qui se terminent mal.
Chaque vie perdue pour un score politique est une défaite de la démocratie, une insulte à l’idée même de souveraineté.
Les urnes devraient être sacrées parce qu’elles incarnent le choix libre, pas le prix du sang ni la vengeance partisane.
Le peuple veut la paix, mais l’élite politique agite l’instinct de guerre, d’intimidation et d’occupation violente des rues.
Pourquoi meurt-on pour des hommes qui, demain, dîneront ensemble pendant que les pauvres enterrent les victimes de leurs querelles ?
Trois morts aujourd’hui, et nous ne sommes qu’aux premières pages d’un scrutin qui promet plus de bruit que de vote.
L’histoire de 2010 n’est pas si lointaine : 3 000 morts pour un fauteuil, et personne n’a jamais vraiment payé.
Ce pays a besoin de justice, pas de martyrs anonymes tombés sous les ordres, les slogans ou les rumeurs politiques.
Nous devons refuser que nos urnes deviennent des cercueils, que nos choix soient tachés de sang et non d’encre bleue.
Le plus grand silence devrait venir des armes ; le plus grand vacarme, des voix dans les isoloirs, libres et paisibles.
Aucune ambition personnelle ne vaut la mort d’un jeune dans la rue ; aucun discours politique ne mérite une goutte de sang.
Voter est un droit, pas un risque de mort ; débattre est un devoir, pas une autorisation de tuer.
Quand la démocratie devient une guerre, ce n’est plus une démocratie : c’est une mascarade habillée en république.
Les familles endeuillées ne veulent pas de minutes de silence officielles, elles veulent que ça ne recommence plus, jamais.
Un président digne doit être élu par des vivants debout, pas sur les cadavres de ceux qu’il prétend représenter.
À quatre jours du scrutin, la Côte d’Ivoire ne doit pas encore écrire son avenir avec des armes, mais avec sa voix.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
