Billon vers Thiam : Main tendue ou coup de poignard ?

3 semaines

Jean-Louis Billon est monté au créneau sur France 24. Encore. Cette fois-ci, non pas pour pilonner son propre camp. Ni pour saborder la fragile unité du PDCI, ni pour fragiliser un candidat déjà aux prises avec un contexte juridique complexe.

Non, cette fois, c’est au nom de « la paix », de « la Côte d’Ivoire » . Et d’une prétendue volonté d’« unité » qu’il s’exprime, comme pour laver dans une eau tiède les couteaux qu’il a lui-même plantés au fil des mois. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Ce soudain désir de rassemblement est tout sauf neutre. Il est stratégiquement positionné, politiquement intéressé, et moralement douteux.

L’amnésie stratégique : une insulte à l’intelligence collective

Il faut d’abord rappeler les faits. Jean-Louis Billon a, durant près d’un an, systématiquement sapé la dynamique du PDCI en s’opposant frontalement à la candidature de Tidjane Thiam. Non seulement il a contribué à diviser le parti, mais il a aussi participé — ouvertement ou dans l’ombre — à une stratégie d’obstruction. Son discours d’aujourd’hui, qui se veut conciliant, efface d’un revers de main cette année de fractures. Comme si le peuple ivoirien souffrait d’amnésie. Comme si les militants du PDCI ne se souvenaient pas des campagnes internes menées tambour battant pour délégitimer celui qui représentait alors une chance de renouvellement et de victoire.

Ce qui est déroutant dans la posture actuelle de Billon, ce n’est pas simplement la contradiction. Après tout, l’humain est faillible. Non, ce qui choque, c’est la désinvolture avec laquelle il tente de réécrire l’histoire immédiate, en inversant les rôles, les responsabilités et les intentions. Ce retournement théâtral, où il se présente en unificateur après avoir été le principal diviseur, frise la provocation.

L’appel au pardon : altruisme ou calcul ?

Quand Billon dit tendre la main à Thiam, cela sonne comme une offre viciée. Car l’appel au pardon n’est jamais crédible lorsqu’il provient de celui qui a tenu le bâton. C’est comme si le bourreau, après avoir brisé les os, proposait au supplicié de se relever, le sourire aux lèvres, au nom de « l’intérêt supérieur de la nation ». Quelle grandeur y a-t-il à inviter son adversaire à travailler « ensemble », une fois que celui-ci a été évincé du jeu électoral, affaibli dans sa base et contraint au silence par une exclusion juridique douteuse ?

Le message est clair : « Je t’ai battu, maintenant aide-moi à gagner ». Ce n’est pas une main tendue, c’est une main de vainqueur qui cherche à légitimer sa victoire en faisant mine de pardonner.

Le masque glisse : la morale au service de l’ambition

Dans sa déclaration, Billon glisse : « Le plus important c’est la Côte d’Ivoire. Mettons nos égos de côté. » Cette phrase, répétée comme une incantation, en dit long sur le cynisme politique contemporain. Car jamais les appels à l’humilité ne sont aussi bruyants que lorsqu’ils servent les ambitions personnelles. Derrière les mots, il y a une manœuvre : adoucir son image, effacer les lignes de fracture, repositionner sa figure d’autorité au centre du jeu PDCI… en se réconciliant avec le cadavre politique qu’il a contribué à enterrer.

Mais que vaut une réconciliation quand elle est à sens unique ? Peut-on parler d’unité lorsque l’un est exclu de la course, et que l’autre se drape dans une posture d’ouverture, alors qu’il récolte les fruits d’une élimination qu’il a favorisée ?

La partenaire en embuscade

Et que dire de son entourage immédiat ? Faut-il rappeler les sorties véhémentes de Valérie Yapo, sa fidèle lieutenante, qui n’a cessé de vitupérer contre la direction du parti et contre Thiam, avec une virulence qui frôlait parfois l’insulte ? Le silence de Billon sur le rôle de cette « bulldog politique » laisse songeur. Que fera-t-il de cette voix radicale maintenant que l’heure est à la pacification de façade ? La fera-t-il taire ? Ou continuera-t-elle, dans l’ombre, le travail de sape pendant que lui joue la carte de la modération ?

Une paix sans fondations

Il est toujours noble de tendre la main. Mais encore faut-il que ce geste s’inscrive dans une cohérence morale, et non dans une opération cosmétique. Billon veut la paix, dit-il. Mais il veut la paix sur un champ de ruines qu’il a lui-même contribué à créer. Il appelle à l’unité alors qu’il a passé des mois à diviser. Il invite à l’oubli alors qu’il n’a jamais exprimé la moindre autocritique.

En politique comme en morale, on ne bâtit rien de solide sur le mensonge, la duplicité et l’orgueil maquillé en humilité. La question qui se pose dès lors est simple : peut-on vraiment faire confiance à un homme qui réclame aujourd’hui la coopération de celui qu’il a méthodiquement combattu, humilié et sacrifié sur l’autel de sa propre ambition ?

 Du pardon à la méfiance

Jean-Louis Billon se présente désormais comme un homme de paix. Mais il est difficile de croire en la sincérité d’un homme qui veut construire l’unité avec un poignard encore chaud dissimulé dans le dos. Le pardon, en politique, n’est pas une mise en scène. Il exige des actes, des regrets, et surtout une transformation réelle. Sans cela, la main tendue ne devient qu’un geste rhétorique. Vide. Cynique. Dangereux.

Dans une démocratie adulte, les citoyens ne se contentent pas des mots. Ils exigent la vérité des actes. Et c’est à cette aune que l’histoire jugera, non les discours de Billon. Mais la trace qu’ils laisseront sur le chemin très escarpé de la réconciliation politique en Côte d’Ivoire. On a les cas Soro Ouattara, Goudé Gbagbo, Billon Thiam désormais.

ALEX KIPRE

photo:dr

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