Le contexte politique ivoirien reste particulièrement sensible à l’approche de chaque élection présidentielle.
Le cas du 11 octobre 2025, avec d’un côté une interdiction préfectorale de toute marche et de l’autre, la confirmation d’une mobilisation politique par l’opposition, illustre un affrontement symbolique mais lourd de conséquences entre l’État et les forces politiques contestataires.
Une opposition frontale : l’autorité administrative contre la légitimité politique
Le préfet d’Abidjan, en tant que représentant de l’État central, invoque des considérations de sécurité publique, de stabilité et de préservation du processus électoral. En parallèle, le Front Commun PPA-CI – PDCI-RDA affirme sa volonté de mobiliser pacifiquement pour défendre des valeurs démocratiques.
Ce bras de fer révèle un conflit de légitimités :
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L’autorité de l’État, qui veut contrôler l’espace public dans une période électorale sensible.
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La légitimité populaire, revendiquée par une opposition qui se sent exclue des canaux officiels d’expression.
Des contradictions révélatrices d’un malaise démocratique
Les déclarations se contredisent : le préfet affirme qu’aucune demande n’a été déposée, alors que les organisateurs annoncent une marche déjà planifiée, initialement prévue pour le 4 octobre et reportée au 11. Cette divergence soulève plusieurs questions :
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L’opposition a-t-elle officiellement redéposé sa demande après le report ?
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Les autorités sont-elles de bonne foi dans leur lecture du contexte ?
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Y a-t-il un refus implicite de reconnaissance d’une opposition qui s’organise hors du cadre institutionnel ?
Cette situation illustre bien le manque de dialogue entre les acteurs politiques et administratifs, et surtout la défiance mutuelle.
Le droit de manifester face à la logique de l’ordre
La liberté de manifester est un droit constitutionnel, reconnu dans toutes les démocraties. Mais ce droit peut être encadré pour des raisons de sécurité publique. Toutefois, l’interdiction générale d’une manifestation sans preuve de trouble imminent ou sans tentative de négociation peut être perçue comme une restriction excessive de ce droit.
Le risque ici est double :
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L’opposition se radicalise, se sentant réprimée.
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L’État perd en crédibilité, apparaissant comme autoritaire et sourd aux revendications citoyennes.
Un appel à la responsabilité partagée
Cette situation appelle à une responsabilité commune :
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Aux autorités, de favoriser le dialogue politique, d’anticiper les tensions, et de garantir les libertés publiques dans le respect de la loi.
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À l’opposition, de s’assurer que ses mobilisations soient déclarées, encadrées, et pacifiques, pour ne pas compromettre la stabilité nationale.
Ce bras de fer autour de la marche du 11 octobre 2025 symbolise bien plus qu’un simple différend administratif. Il reflète un climat politique tendu, une fragilité du dialogue démocratique et une polarisation inquiétante à l’approche des élections. Plutôt que de laisser place à l’affrontement, ce type de situation devrait inciter à repenser les mécanismes de concertation entre l’État et les forces politiques, dans l’intérêt de la paix et de la cohésion nationale.
La démocratie ne se limite pas à l’organisation d’élections, elle repose aussi sur la capacité des institutions à garantir l’expression libre, ordonnée et légitime de toutes les voix.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
