Me Didier Kacou:  » la justice ivoirienne indépendante? J’en doute fort »

1 mois

Dans une déclaration sans détour, l’avocat Maître Didier KACOU exerce à Paris en tant qu’avocat en Droit pénal. Droit du dommage corporel et Droit des étrangers et de la nationalité.

Il intervient à la fois comme conseil en amont des conflits interroge l’indépendance réelle de la justice en Côte d’Ivoire. Il dénonce les interférences du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires.

Critique la communication institutionnelle du parquet, et met en garde contre les dérives politiques dans le traitement des décisions de justice.

« La justice ivoirienne est-elle vraiment indépendante ?
On peut légitimement en douter. Prenons un exemple simple : le procureur de la République. Son supérieur hiérarchique est le ministère de la Justice, or ce ministère relève du pouvoir exécutif. Dans le cadre du principe fondamental de la séparation des pouvoirs, cela pose problème. Le procureur appartient au pouvoir judiciaire, et non au pouvoir législatif comme on l’entend parfois à tort.

Dans toute société démocratique, les pouvoirs doivent être séparés et équilibrés. Une société dans laquelle cette séparation n’est pas respectée n’a, en réalité, pas de Constitution au sens plein du terme.

Le fait que le procureur communique par le biais du ministère de la Justice ne garantit en rien son indépendance. Bien au contraire, cela affaiblit davantage une justice déjà perçue comme boiteuse. Aujourd’hui, en dehors des conférences de presse officielles, le procureur ne dispose pas de canaux de communication propres.

Cela n’est pas acceptable dans une République moderne.

Il faut également souligner une inégalité de traitement selon les appartenances politiques. Le courroux de la justice s’abat plus facilement sur les opposants que sur ceux qui soutiennent le pouvoir en place. Prenons l’exemple de M. Joël N’Guessan : on l’a emprisonné, puis quelques jours plus tard, il présente une lettre d’excuses. Et on le libère aussitôt. Est-ce là une justice crédible ? Est-ce sérieux ?

Les décisions de justice, bien entendu, on peut et doit les critiquer. Quand une décision me paraît injuste, j’ai le droit de la contester en appel. Si elle me semble illégale ou disproportionnée, je peux dire au juge : ‘Votre confrère n’a pas dit le droit, censurez cette décision.’ Cette critique-là est saine et nécessaire au bon fonctionnement de la justice. Elle ne devrait jamais me valoir d’être poursuivi.

En revanche, ce qu’il ne faut pas faire, c’est jeter le discrédit sur l’institution en elle-même. Par exemple, dire que Mme Chantal Camara est corrompue ou que c’est le président Ouattara qui lui a remis une liste de candidats, ce serait remettre en cause l’indépendance d’un juge et cela tombe sous le coup de la loi.

Mais poser la question de la légalité d’une décision, en tant que citoyen ou juriste, cela n’a rien d’illégal. Cela ne devrait jamais être un motif d’incarcération. »

JULIEN BOUABRE

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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