Le retour de Gbagbo incarne autant une résistance politique remarquable qu’une impasse stratégique pour une opposition encore désorientée.
Il reste un acteur central, charismatique et rusé, capable d’électriser les foules et de polariser les énergies dispersées.
Mais ce retour tardif, grevé par l’âge et une inéligibilité persistante, s’accompagne d’un capital politique sérieusement érodé.
Ses partisans espèrent encore, mais beaucoup doutent de sa capacité à redevenir moteur et non simple mémoire historique du combat.
Son idée d’une coalition avec Affi, Blé Goudé, Simone, Soro ou Koulibaly semble séduisante, mais reste objectivement improbable.
Chaque figure dispose de ses blessures, de ses réseaux distincts, et d’un ego trop encombrant pour une convergence véritablement opérationnelle.
Le PPA-CI ressemble plus à un véhicule personnel qu’à une structure collective ouverte à la transmission et au renouvellement.
La verticalité du leadership Gbagbo empêche l’émergence d’un dauphin, d’un plan B crédible ou d’un relais cohérent.
Malgré tout, il demeure le seul capable d’embraser les urnes, de cristalliser une colère populaire en espoir électoral.
Si son inéligibilité est levée, il redevient incontournable ; sinon, il devient un totem sans relais, sans levier.
Le danger est double : absence prolongée du chef, et incapacité de son entourage à porter un projet alternatif.
Ni le PDCI, ni Soro, ni Affi ne semblent aujourd’hui capables de combler seuls le vide laissé par Gbagbo.
L’avenir repose sur une seule interrogation : Gbagbo saura-t-il enfin devenir fédérateur, plutôt qu’éternel centre de gravité solitaire ?
Le PPA-CI devra choisir : construire une dynamique collective ou s’éteindre avec le dernier souffle du commandant historique.
Tant que ce choix reste différé, l’opposition ivoirienne reste suspendue à un passé glorieux, mais stratégiquement paralysant.
Le défi du PPA-CI est clair : inventer une suite sans trahir l’âme, ni figer le mouvement dans la nostalgie.
Sans un dépassement personnel de Gbagbo lui-même, aucune réinvention durable ne pourra émerger dans ce paysage politique incertain.
C’est là l’équation : faire le deuil de l’homme providentiel, pour mieux incarner une alternative plurielle et partagée demain.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE