Côte d’Ivoire: figée en apparence mais fracturée en profondeur

3 semaines

Une carte électorale figée en apparence, mais déjà fracturée dans ses lignes souterraines

La Côte d’Ivoire a longtemps suivi une tripartition électorale : nord RHDP, centre-est PDCI, sud pro-Gbagbo et associés.
Le nord reste majoritairement mobilisé pour le RHDP, mais les frustrations sociales grandissantes fragilisent la loyauté des jeunes électeurs.
Le manque d’emplois et de perspectives dans le nord rend audible un discours critique, même hors des cadres électoraux.
Le centre baoulé, fidèle au PDCI, est désormais tiraillé entre fidélité, scepticisme stratégique et tentation d’abstention électorale massive.
La question se pose : faut-il suivre Tidjane Thiam, rêver d’un retour de Gbagbo ou tout simplement s’effacer ?
Les régions du sud, notamment Abidjan, deviennent des zones électorales fluides, moins ethniques, plus générationnelles, parfois imprévisibles.
Dans ces zones urbaines, la jeunesse déconnectée du politique traditionnel peut basculer une élection, mais reste difficilement mobilisable.
Le paradoxe ivoirien persiste : jeunesse dominante démographiquement, mais absente des urnes, car peu interpellée par les candidats classiques.

Une rupture générationnelle silencieuse. Mais décisive se profile dans le paysage politique ivoirien

Près de 70 % des Ivoiriens ont moins de 35 ans, mais restent marginalisés dans les appareils politiques traditionnels actuels.
Le champ politique demeure dominé par des figures des années 1990 : Ouattara, Gbagbo, Soro, Guikahué, Affi et consorts.
Pourtant, cette jeunesse connectée, informée, est désormais sensible aux discours panafricanistes, sociaux, et farouchement critiques envers l’ordre politique établi.
Elle aspire à une démocratie concrète, avec justice sociale, et rejette la politique perçue comme monopole d’une génération vieillissante.
Malgré cette attente, aucun parti n’a encore réellement incarné une offre jeune structurée, porteuse d’un récit transformateur.
Même Blé Goudé, longtemps perçu comme jeune figure, semble désormais appartenir à une époque antérieure, sans nouveau souffle mobilisateur.
Le RHDP, s’il ose un renouvellement générationnel crédible, pourrait tirer avantage de ce vide en plaçant une figure montante.
Des profils comme Patrick Achi ou Adama Bictogo, voire Téné Ibrahim Ouattara, pourraient incarner une tentative de passage générationnel.
Mais sans vision claire, cette manœuvre serait perçue comme cosmétique, sans enracinement dans les aspirations concrètes de cette jeunesse.
Le moment est venu de comprendre : le facteur générationnel n’est plus une variable secondaire, mais un levier stratégique central.

JULIEN BOUABRE

photo:dr

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