La Côte d’Ivoire affiche aujourd’hui de solides performances macroéconomiques. Abidjan, redevenue vitrine régionale, accueille des sommets internationaux et de grandes manifestations culturelles, diplomatiques et économiques.
Last but not least, le chef de l’État, conforté par l’appui indéfectible de ses partenaires occidentaux, bénéficie encore d’un leadership incontesté sur la scène internationale. Malgré un net recul démocratique à l’intérieur des frontières.
Le pays est classé à un rang peu enviable en matière de libertés publiques. Judiciarisation de la vie politique, verrouillage des institutions, marginalisation de l’opposition. Les signes d’un affaiblissement démocratique sont bien visibles, même s’ils sont parfois maquillés sous le vernis diplomatique.
Les Ivoiriens, lucides et informés — comme l’a dit avec ironie le président du PDCI-RDA, « ils ne sont pas des idiots » — perçoivent parfaitement le contraste entre la façade officielle et la réalité vécue. Les grands projets d’infrastructure et les cérémonies médiatisées ne sont que la face visible de l’iceberg.
Sous les apparences de prospérité, l’indice de développement humain (IDH) reste préoccupant. L’accès aux soins, à l’éducation et aux services de base demeure inégal, voire précaire dans certaines régions. La pauvreté frappe toujours de larges pans de la population. Et les scandales se multiplient sans que l’État ne donne des gages d’efficacité ou d’impartialité.
Depuis mi-mai 2025, la présence du FBI à Abidjan ajoute une couche d’inquiétude.
Selon plusieurs sources, des investigations sont en cours sur des réseaux libanais opérant en Côte d’Ivoire. Ces derniers sont soupçonnés de financer le Hezbollah. Via des circuits mêlant commerce, immobilier et blanchiment d’argent à grande échelle. Tout cela, dans un climat d’impunité notoire.
Et il n’y a pas de fumée sans feu. En 2020 déjà, le média américain Vice alertait sur le basculement de la Côte d’Ivoire en plaque tournante régionale du trafic de drogue en provenance d’Amérique latine, après la Guinée-Bissau.
Un nom avait alors surgi : Hamed Bakayoko, alors Premier ministre par intérim et numéro deux du régime. Vice l’avait désigné comme un « baron de la drogue » . Et un acteur clé dans les circuits de la cocaïne. L’affaire avait provoqué une onde de choc. Avant de s’éteindre progressivement avec la disparition du principal intéressé, qui avait entamé une procédure judiciaire pour diffamation.
Mais depuis, le fléau n’a fait que s’étendre. La drogue ronge la société à tous les niveaux. On cite des agents des forces de l’ordre, censés lutter contre le trafic dans des affaires de corruption ou de complicité. La jeunesse, elle, est de plus en plus exposée. Des collèges jusqu’aux écoles primaires, les substances circulent. Détruisant des vies avant même leur envol.
Le silence politique sur ces questions, ou les réponses purement répressives, ne suffisent plus. Il en va de l’avenir du pays, de la cohésion sociale et de la crédibilité de l’État.
La Côte d’Ivoire ne peut pas continuer à avancer, aveuglée par ses succès économiques. Tout en s’enfonçant dans un marécage social, moral et sécuritaire.
F. M. Bally
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE