16 mai: Dadié premier citoyen français d’origine ivoirienne

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16 mai 1953 – 16 mai 2025 : 72 ans après, Gabriel Dadié continue de hanter l’histoire ivoirienne

Il y a exactement 72 ans, le 16 mai 1953, s’éteignait à Abidjan un homme dont le nom ne figure pas toujours en haut des manuels d’histoire, mais dont la trace, profonde, est encore perceptible dans la mémoire politique et sociale ivoirienne. Gabriel Binlin Dadié, plus connu simplement comme Gabriel Dadié, père de l’écrivain Bernard Dadié, fut bien plus qu’un géniteur célèbre.

Né à Assinie en 1891, Gabriel Dadié est l’un de ces pionniers oubliés, à la croisée de trois mondes : l’administration coloniale, le combat syndical et l’engagement politique. Loin des projecteurs, il a pourtant accompagné, conseillé et parfois préparé l’émergence des futurs leaders d’un pays encore sous domination française.

Le premier citoyen français d’origine ivoirienne

À douze ans, il entre comme apprenti télégraphiste dans l’administration coloniale, au service du capitaine Schiffer. Très tôt, il comprend le langage du pouvoir, les circuits du réseau administratif, et surtout les codes de l’autorité coloniale. Il installe la ligne télégraphique de Bingerville à Korhogo, contribuant sans le vouloir à l’infrastructure de la pénétration coloniale dans les régions baoulé.

En pleine Première Guerre mondiale, il est mobilisé à Bingerville. En 1915, pour services rendus, Gabriel Dadié devient le premier Ivoirien naturalisé français, un statut exceptionnel à l’époque. Mais cette reconnaissance est vite rattrapée par les limites du système : discriminations, inégalités de traitement, frustrations.

En 1924, lassé de l’hypocrisie coloniale, il démissionne. Sa révolte est silencieuse, mais déterminée.

Du serviteur de l’État au maître de la terre

Libéré de l’administration, il se lance dans les affaires : exploitation forestière, transport, puis agriculture. Installé dans l’Agneby, il devient planteur de cacao et de café. À la fin des années 1920, il exploite plus de 60 hectares, rejoignant le cercle restreint des grands planteurs ivoiriens.

Dans ce monde d’agriculture et d’influence locale, il s’impose aussi comme conseiller du roi d’Abengourou, Boa Kouassi. Il connaît les traditions, parle le langage du peuple et celui des colons. Il est à la fois entre deux mondes et au centre des deux.

Le syndicaliste derrière Houphouët-Boigny

En 1944, un événement majeur fait basculer l’histoire du pays : la création du Syndicat agricole africain, embryon du futur Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Derrière le nom de Félix Houphouët-Boigny, président du syndicat, se tiennent plusieurs figures fondatrices. Parmi elles, Gabriel Dadié.

Il participe activement à la structuration du mouvement. Son réseau, son expérience, son autorité sont précieuses. Avec 12 000 membres dès la première année, le syndicat devient une arme redoutable contre le travail forcé et la domination coloniale. Gabriel Dadié est là, au cœur du combat.

Une vie interrompue, une postérité vivante

Mais il n’aura pas le temps de franchir le cap décisif de la lutte politique : il meurt le 16 mai 1953, quelques années avant les grandes victoires du RDA et l’indépendance.

Il laisse derrière lui une descendance qui prolonge son engagement. Bernard Dadié, son fils, deviendra écrivain, ministre, figure majeure de la culture africaine. Hortense Aka Anghui, sa fille, se fera une place dans la politique ivoirienne. Félix Dadié, homme d’affaires, et Christophe Dadié, artiste, enrichissent le patrimoine familial. Chez les Dadié, la transmission ne s’est pas faite en silence.

Un nom en timbre, une mémoire à raviver

En 1970, un timbre-poste a été émis à son effigie. Une belle reconnaissance, mais encore insuffisante pour l’importance de l’homme. À l’heure où la Côte d’Ivoire redonne à ses rues des noms de bâtisseurs locaux, Gabriel Dadié mérite plus qu’un timbre : une rue, un lycée, un centre culturel.

Souvenons-nous que le combat pour la liberté n’a pas seulement été mené dans les palais, mais aussi dans les plantations, les syndicats, et les silences des pionniers. Gabriel Dadié fait partie de ceux-là.

ETHAN GNOGBO

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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