1er Festival de Graffiti d’Abidjan: l’ombre de Bouna nous éclaire

4 jours

Qui est Bouna  à qui est dédié le festival de Graffiti d’Abidjan qui démarre aujourd’hui pour ne prendre fin que le 19 novembre?

Il avait l’âme d’un révolutionnaire, un esprit insoumis aux frontières de la création.

Dans chaque geste, dans chaque idée, il cherchait à briser les chaînes des conventions. Ses toiles, trop petites pour contenir la fureur de son âme, n’étaient que des échappatoires provisoires. Il les quittait dès que l’envie de tout démolir se faisait trop forte. Un mur ? Il n’hésitait pas à l’affronter, à l’assaillir pour qu’il crache enfin le message qu’il portait en lui. Il n’y avait pas de place pour la facilité dans son art. Le monde devait être secoué, réveillé, ébranlé.

Photographe de la rue, il saisissait ces moments fugaces où la réalité se heurtait à la vérité nue. Il capturait les fous de Dakar, Tandis que Dorris Haron Kasco sondait ceux d’Abidjan.  Pour la « Revue Noire« . Lui, c’était celui qui faisait parler l’asphalte, qui faisait éclater les murs de la ville pour y faire naître la poésie urbaine. Dans les rues, chaque image était un cri, chaque photo une rébellion silencieuse. C’était lui qui filmait les poètes du bitume, ces rappeurs qui, à coup de mots, déconstruisaient le système.

Les courts-métrages qu’il signait étaient comme des fragments d’un monde brut, sans filtre.

« Bandit Cinéma » en 1992, « Saï Saï By – dans les Tapas de Dakar » en 1994, « Les pieds dans les rues de Dakar » et « Jo Ouakam » en 1995. « Zone RAP » en 1998… Des œuvres ancrées dans la réalité, des films où chaque plan respirait l’énergie de la rue, où l’art de vivre se heurtait à la dureté de l’existence.

Et puis vint Ben, son fils, son poulain, prêt à revendiquer une part de ce monde avec des vers de liberté. Prêts à éclater sur les murs d’Abidjan. Et là, Bouna, de l’autre côté de l’horizon, laissait planer son ombre sur son épaule. Pour veiller, pour guider, pour souffler sa rage de vivre dans les gestes de l’enfant qu’il avait été. Et dans ceux de l’artiste qu’il était devenu. La flamme de Bouna ne s’éteignait pas. Elle passait de main en main, de cœur en cœur. Dans les silences jeunes et heureux de Franck Atté. Dans les licences généreuses de Dorris Kasco. Ben est à Bouna, ce que Bouna était à Joe Ouakam. A  des colères près.

Le mercredi 27 décembre 2017, dans la douce brume d’un matin en France, Bouna Médoune Seyé nous quitta. Laissant derrière lui une trace indélébile. Photographe, artiste plasticien, cinéaste, il était l’incarnation de la liberté créatrice.

Une liberté qui ne se plie jamais, qui ne se soumet jamais.

Il avait consacré sa vie à démolir les murs et à redonner aux gens la possibilité de voir, de sentir, de comprendre autrement.

Il était celui qui, par son art, par ses films, par ses photos, avait déjà fait naître ce rêve. Ce projet fou : celui du premier festival de graffiti à Abidjan. Ce rêve qui aujourd’hui fait vibrer les murs d’Abidjan. Rêve qui continue de briser les frontières et d’inviter l’art à vivre dans la ville, à s’inviter sur les murs pour y exprimer toute la puissance de la parole urbaine.

Bouna n’est pas parti. Il est dans chaque peinture, chaque graffiti, chaque film, chaque image. Il vit dans ce souffle d’artiste que Ben, comme tant d’autres, continue de porter, dans cette révolte créative qu’il a allumée et qui, aujourd’hui encore, nous éclaire.

ALEX KIPRE

photo:dr

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