Aujourd’hui 2 décembre marque l’anniversaire de son départ, nous vous diffusion sa pensée au travers d’interviews accordées.
L’intellectuel, au sens sobre et noble du terme, est au-dessus de la mêlée et ne doit pas prendre une carte bleue ou verte d’un parti politique ; lequel, du fait de la discipline de rigueur en son sein, asphyxie toute aspiration et tout mouvement d’élévation de l’intellectuel. Rien que pour ça, je suis perplexe quant à votre classification dans ce milieu.
L’intellectuel, comme tout militant, a toujours une marge de manœuvre et donc de liberté. Rien ne l’oblige à hurler avec les loups ou à oublier les valeurs dans lesquelles il croit. « L’intellectuel et la politique » est une question de cohérence entre théorie et pratique, d’engagement et de détachement, de parole et de silence.
Ce problème a concerné d’abord mon maître, Memel Fôté, à qui on a reproché d’avoir adhéré au Fpi.
J’en ai parlé dans mon oraison en rappelant que certains voulaient que la Montagne demeure Montagne au lieu de descendre dans la plaine de nos turpitudes. Memel aurait été divinisé mais aussi momifié. J’approuve qu’il soit resté vivant et ait essayé d’apporter la rigueur et la retenue nécessaires à la politique. Vous concernant alors…
Personnellement, je ne regrette pas d’avoir été militant politique, même si j’ai conscience de n’avoir pas réussi à devenir un bon politicien. Il y a des périodes de renaissance qui exigent la totalisation de l’action humaine, science, art et politique notamment. L’écrivain Ayi Kwei Armah n’interdit pas aux thérapeutes d’aller à la cour, mais de devenir courtisans. Etre Damfo et non Esuman, celui qui monnaie ses connaissances dans des causes douteuses.
Autre chose, l’exil est le lot de ce type de personnes. Je voudrais citer Akinwandé Oluwolé Soyinka, François Marie Arouet dit Voltaire, Alexandre Biyidi dit Mongo Beti et vous de mander pourquoi ne vous êtes-vous pas exilé ? Parce que vous redoutiez l’ailleurs, aviez confiance en l’appareil juridique de votre pays, ou n’aviez rien à vous reprocher ?
Voilà une question piège. Moi qui suis resté, je ne suis pas innocent et ceux qui sont partis ne sont pas coupables.
Dans une crise d’une telle magnitude, personne n’est innocent. La culpabilité de chacun reste à déterminer. Pour des raisons de sécurité, j’ai moi-même quitté le pays pendant près de trois mois. Tout le monde ne peut être en exil. Il faut que certains puissent être présents pour enterrer les morts, demander la libération des prisonniers et consoler ceux qui en ont besoin. Et puis, l’exil n’est pas toujours extérieur et spectaculaire.
Il est reproché aux intellectuels africains de davantage s’enliser dans le parler, le dire, au lieu d’opter pour le faire et l’agir. La preuve, un énième colloque auquel vous avez d’ailleurs pris part, aux côtés de la crème de l’intelligentsia africaine, s’est déroulé, ici, sans incidences vraies sur le vivre au quotidien de la population. On ne peut reprocher aux intellectuels de faire leur travail d’intellectuel.
Je ne sais à quel colloque vous faites allusion, mais c’est aux dirigeants politiques de traduire en actions concrètes les conseils et les avis des intellectuels. En Occident, on se dira keynésien ou disciple de l’Ecole de Chicago, on commandera des études afin d’éclairer les décisions desdits décideurs.
La critique s’adresse donc plus aux politiciens africains
Interview réalisée par, ALEX KIPRE