Le Président Laurent Gbagbo rend hommage à Memel Fotê au départ de ce dernier.
C’est avec une profonde tristesse que j’apprends la disparition du professeur Harris Memel Fotê. Memel Fotê n’est pas seulement, pour ma génération, un professeur.
Mais l’un des premiers enseignants africains à avoir exercé dans l’enseignement secondaire et dans les universités d’Afrique. Il incarne également la conscience d’une certaine idée de la dignité de l’homme noir. De la liberté en Afrique et de l’indépendance des Etats africains. Sa mort coïncide avec le 50e anniversaire des réformes institutionnelles engagées par la France en 1958.
Et qui ont débouché sur les indépendances de nos Etats, deux ans plus tard. Les courants et mouvements indépendantistes africains savent la part inestimable, au plan militant et au plan intellectuel, que Harris Memel Fotê a, personnellement, prise.
Pour et dans la marche de l’histoire de cette période pleine à la fois d’espoirs et d’incertitudes.
Il a choisi le temps de l’indépendance et de la dignité africaine. C’est pourquoi il s’est rendu en Guinée lorsque ce pays, ayant dit «Non» au référendum de septembre 1958, s’est trouvé, du jour au lendemain, privé de tout. Privé de toute assistance technique française en représailles à la décision souveraine du peuple guinéen.
Un honnête homme
Il a choisi le temps de l’indépendance d’esprit et de la solidarité africaine. Pour cela, il a été arrêté et emprisonné le 30 avril 1959 à Abidjan.
Il a choisi le temps de la démocratie et de l’Etat de droit. Pour cela, il a refusé de se compromettre avec le parti unique. Il était là en 1990 lorsque le temps de la révolution démocratique étant arrivé, nous avions besoin de sa caution morale, politique et intellectuelle. Il n’a pas failli à son devoir envers l’Afrique, envers la Côte d’Ivoire, son pays, et envers la démocratie et les libertés.
Depuis 2000, il dirigeait l’Académie des sciences d’Afrique et des diasporas africaines (Ascad). Car, Harris Memel Fotê est d’abord un homme de science et de culture. Reconnu par les sociétés savantes les plus prestigieuses au monde.
Il était membre de l’Académie universelle des cultures du monde créée par François Mitterrand et professeur honoraire au Collège de France. Pour la Côte d’Ivoire, il restera la montagne du savoir, comme a su le dire un poète, parlant de la «Memel montagne».
C’est aujourd’hui un monument qui se dresse et la Côte d’Ivoire lui doit un hommage national.
Je présente mes condoléances à son épouse et ses enfants, sa famille et aux membres de sa génération, aux habitants de Mopoyem. Son village, et à toute la région de Dabou.
Laurent Gbagbo
Président de la République
POUVOIRS MAGAZINE