Opinion. Alger Ekoungoun: “Pour libérer la nation, la tribu doit mourir”

2 semaines

Le Professeur Jean-Francis Alger Ekoungoun réagit à un  texte de Joel Ettien

Ahoua Don Mello, le seul agni qui veut se lancer dans la présidentielle (…). Cette fois-ci, je veux m’adresser aux agni du Moronou, du Djuablin, de l’Indenié, du Sanwi. Vous avez un fils, un frère qui se nomme Ahoua Don Mello, il veut s’engager dans la compétition présidentielle. Il faut le soutenir. (…) Les agnis qui sont restés pendant longtemps en avant-garde doivent se réjouir d’avoir leur fils, frère et parent dans la course présidentielle. Et ils doivent le montrer en le soutenant à visage découvert.” Joël Ettien (journaliste) dixit.

Le ministre Ahoua Don Mello, Vice-Président Exécutif du PPA-CI en charge du District des Lacs et de la Promotion du Panafricanisme. Et également Représentant des Brics pour l’Afrique doit certainement prendre ce “papier” de Joël Ettien pour anecdotique.

Joël Ettien, en Afrique, la fibre ethnique est utilisée pour consolider ou s’assurer le vote communautaire ou tribal. C’est tout à votre décharge. Mais, gardez-vous, en la matière, de faire d’une exception, la règle, par excellence.

Peuple Agni

Ivoirien, précisément agni, vous devriez certainement connaître l’histoire de la “crise du Sanwi”. Si non, vous tireriez profit de l’excellent roman nzassa de mon jeune frère, l’écrivain talentueux Yahn Aka, intitulé : “Houphouët, Nkrumah et le royaume de Sanwi: du bras de fer à la réconciliation“.

Historiquement, le colonisateur a arbitrairement procédé à la thésaurisation de traits culturels des peuples africains. Pour fabriquer les ethnies en subdivisant des groupes relativement homogènes en (sous)ensembles sociaux et économiques hétérogènes. Ainsi, privé de la conscience collective comme ferment du sentiment national, les luttes et les débats, dans la colonie puis en Côte d’Ivoire, depuis Angoulvant jusqu’à aujourd’hui, ont toujours été sous l’influence et les réminiscences du schème ethnique.

L’actualité ivoirienne de ces vingt dernières années rappelle la prééminence de l’instrumentalisation ethnique dans les dynamiques sociales en Côte d’Ivoire. L’ethnie constitue une ressource latente de l’action collective quelle qu’en soit sa portée. Cette « communauté émotionnelle » comme la désigne Max Weber a toujours fait sens. Elle a même traversé tous les régimes ivoiriens. Sous la dictée des impérialistes Houphouët-Boigny n’est pas parvenu à créer la nation ivoirienne avant sa mort. Il a laissé aux Ivoiriens un Etat-parti, une nation protocolaire (protonation) cornaquée à l’impérialisme rampant. Ses héritiers, actuellement au pouvoir, ont grossi cette fracture congénitale dans le destin de la nation ivoirienne avec la doctrine de “rattrapage ethnique”.

La Côte d’Ivoire cherche la route de la nation

Au bilan, la Côte d’Ivoire continue de chercher la route de la nation. Le pays s’est gravement délité depuis des années. Les appels et communions ethniques funestes qui fonctionnent actuellement comme des instances de secours. Et de solidarité de la “fratrie” assiégée sont les signes palpables de cette crise dont certains pensent en sortir en s’accrochant cahin-caha à des vessies tribales. La relation entre ethnie et Etat est certes de nature dialectique. Le seuil étatique et celui de l’ethnique s’articulent l’un à l’autre, même si cela se fait de façon contradictoire. L’ethnie se construit dans son rapport à l’Etat. Et l’Etat trouve dans l’ethnie une médiation entre le centre et la périphérie. Depuis la révolte des Mau Mau au Kenya (1952), jusqu’aux conflits africains les plus récents, la plupart des guerres fratricides qui font l’actualité africaine trouvent souvent leurs principales causes dans le présupposée ethnique. Tout se passe comme si le tribalisme est le vieux démon de l’Afrique et les identités ethniques sont le vecteur d’affrontements irréductibles.

André Bourgeot, anthropologue des Touaregs, disait à juste titre d’ailleurs que « les peuples heureux n’ont pas d’ethnie » ! On connaît également le célèbre slogan du FRELIMO : « Pour libérer la nation, la tribu doit mourir ».

Toutes ethnies confondues, nous avons l’obligation morale de faire de la Côte d’Ivoire une nation avec tous ses vaillants fils comme Gbagbo, Don Mello, Thiam et Ouattara. Aussi, devrions-nous faire l’impasse sur cette fabrique du consentement tribalique ressortissant à l’article de Joël Ettien. Pour libérer la nation ivoirienne et pour nos enfants, devrions-nous continuer à nous payer le luxe d’enfermer la Côte d’Ivoire dans le piège tribal créé par l’impérialisme ? Je dis non et non!

Que notre Lumière soit!

Jean-Francis Alger Ekoungoun

PHOTO/ DR

POUVOIRS MAGAZINE

 

 

OPINIONS

DU MEME SUJET

Présidentielle 2025/ Brédoumy attaque Ouattara et sublime Thiam 

Le siège  du Pdci-Rda à Cocody a été le réceptacle d’une conférence

Paul Agoubli: “les prochains sur la liste sont Ouattara et…”

Nauséabonde, décevante, réaliste, la Une de “Le patriote” entame une pratique nouvelle.