Octobre 2016-octobre 2022 : 6 ans déjà

2 ans

Qui était le Tohourou Lago Liadé Emile ?

Sur ses documents administratifs, il répond au nom de Lago Liadé. Émile sera rajouté oralement comme il était de coutume dans cette Côte d’Ivoire entrée en contact avec le colon qui la contamine de ses mœurs dont les prénoms font partie. Il est né en 1937 à Lagoguhé (les enfants de Lago), anciennement appelé Borotapia, petit village situé sur la droite, 5 km après Issia, en direction de Saioua.

Il est le dernier fils de Zagahi Lago, ancien chef de village qui a eu vingt enfants au total. De sa mère Nadjé Wandou Gbahi, originaire de Saioua, de Broman plus précisément, il est le cinquième, des quatre filles et deux garçons qu’elle aura. Le rang qu’il occupe dans la fratrie peut expliquer que de lui on n’exigeait pas grand-chose.

Dispensé de labeur majeur, Émile se divertit par le chant. Tout petit, il intriguait les adultes par la facilité avec laquelle il chantait. A 7 ans, il se livre, à son insu, à des spectacles alentour et alimente bien des conversations. Sa mémoire est déjà phénoménale, puisqu’il retient toutes les syllabes fredonnées qu’il entend et les reprend à son compte, à la perfection. « Certains airs me venaient en rêve et quand je me réveillais, je chantais comme si on avait mis ça dans ma bouche. Et les gens étaient étonnés », se souvient celui qui estime n’avoir pas appris à chanter.

Né chanteur donc, il remarquera le tohourou qu’il découvre par Bodou Balou, son frère (son cousin en réalité, car Balou est le fils de Kamé Bodou, luimême grand-frère de Zagahi Lago). Bodou Balou s’en était allé chez un peuple frère voisin, les Niamboua, détenteur originel de cet art et l’avait appris auprès de Dira Gozê. Une fois de retour, Bodou Balou traduit les chansons en bété. Les bété s’approprient progressivement cet art. Le Tohourou devient bété. On doit l’expression et la réflexion au pr Séry Bailly : « En changeant de langue, l’art et la religion deviennent populaires et constituent des moyens d’affirmation humaine et identitaire » (Cf page 105 de ‘‘Le tohourou un chemin vers la sagesse’’ de Séry Bailly paru aux Nouvelles éditions balafons).

Agé de 18 ans environ, Lago Liadé devient l’accompagnateur (le chœur chargé d’assurer les harmonies aux côtés de la voix fondamentale). Il se livre à cette tâche pendant cinq ans. Un différend les oppose. « Je l’ai abandonné pour former mon propre groupe composé de huit personnes au départ.» La formule a fonctionné au point qu’en 1968, à Issia, il fut vainqueur du concours national de Tohourou devant de grandes figures venues de Niambouan daloa, Issia, Saioua, Soubré. Seul tima Gbai avait refusé de participer au concours avec pour argument : « Si c’est un concours, moi je n’y participe pas. Je sais déjà que c’est Lago Liadé qui va gagner».

Puis, homme sans histoires, Lago Liadé s’est attiré la sympathie des cadres de sa région.

Singulièrement de Djédjé Mady, président du Conseil régional du haut-Sassandra. Maintes fois décoré, dix enfants sur les 53 qu’il a eus et les 17 qu’il a lui-même particulièrement éduqués, se sont retrouvés dans l’art. Parmi eux, le célèbre Digbeu Dickael Liadé. A ce dernier, il avait payé le billet pour qu’il aille entamer une carrière internationale et chercher fortune en France en 1982. Acte de générosité ? «Quand on travaille, c’est pour son enfant  ; raison pour laquelle j’ai payé son billet », nous justifie le père qui depuis 6 ans a rejoint son fils mort quelques mois avant lui.

 

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