Hommage à Marcel Zadi Kessy: Marcel raconte Bernard

2 ans

Est-il facile d’être un Zadi ?

(Rires) Je ne sais pas s’il y a une spécificité en la matière. (Rires) C’est une question d’éducation. Je pense que c’est facile. Il suffit d’aimer son prochain, c’est le plus important, le reste en découle. Je crois que mon frère Bernard faisait la même chose.

Comment viviez-vous vos différences en interne ?
Nous étions des frères. Il y avait des moments où nous exprimions nos désaccords, mais jamais nous n’arrivions à la rupture. Il avait choisi une voie que je comprends, d’autant plus qu’elle était liée à sa formation. Il a souffert car il a été fait prisonnier politique. Moi, j’ai suivi une autre voie, car les circonstances m’ont amené à travailler avec le Président Houphouët-Boigny. Pas lui. Vous étiez acquis à Houphouët et lui pas du tout.

Le considériez-vous comme un adversaire idéologique ?
Bernard était un littéraire pursang, moi j’étais totalement scientifique. Nos perceptions étaient différentes. Bernard était poète. Pas moi. Mais si je peux me permettre cet accès d’immodestie, j’avais souvent raison… Tout d’abord parce que je suis son aîné ! Mais surtout parce que la pratique des affaires et mes responsabilités m’ont mis dans une position où ce que je dis finit par se réaliser.

Usiez-vous de ce droit d’aînesse pour faire pression sur lui ?
Non ! Jamais. Bernard était entier. Ce n’était pas une personne sur qui on pouvait faire pression. Je me gardais même d’imaginer cette alternative. La preuve, le Président Houphouët me disait toujours de lui donner des conseils. Mais j’étais hésitant. Parce que je ne pouvais pas me présenter devant mon frère et lui dire qu’on m’avait suggéré de lui donner des conseils. Je ne lui ai rien dit, jusqu’à ce qu’un jour le Président Houphouët me lance : « Il est devenu sage votre frère !». Je savais intérieurement que ce n’était pas grâce à moi. Bernard était fier d’être mon frère, et vice-versa.

Il s’est raconté que pour vous distinguer, le président Houphouët parlant de Bernard disait le ‘‘mauvais’’ Zadi et de vous, Marcel, le ‘‘bon’’ Zadi. Le saviez-vous ?
Le Président Houphouët ne me l’a jamais dit. Mais je l’avais appris. Entre Bernard et moi, il n’y a jamais eu de problèmes. Nous avons toujours été proches même si nous ne partagions pas les mêmes valeurs et étions opposés quelquefois. En réalité, nous avons fait nos études en même temps parce que j’avais, à un moment, pris un peu de retard. Plus tard, ses prises de position l’ont emmené en prison. Après mes études, pour différentes raisons, j’ai été amené à le prendre en charge, jouant ainsi pleinement mon rôle d’aîné.

A la page 15 de votre livre vous écrivez : « Nous vivions avec peu de moyens, nos besoins étaient limités, peu d’objets de consommation, peu de désir ». Ce passage qui décrit la vie au village représente la vie qu’a choisie de vivre votre frère Bernard. Je me trompe ?
Petits, nous n’avions pas la possibilité de nous projeter. Notre vie était circonscrite à ce que nous voyions autour de nous. Nous n’aspirions même pas à obtenir beaucoup d’argent. C’est une fois sortis du village que la vie d’Abidjan, puis celle d’Europe, nous ont enseigné l’existence d’autres modes de fonctionnement et d’autres types de besoins. Je pense que les formations estudiantines, professionnelles et artistiques de Bernard l’ont conforté dans la défense du mode de vie que nous avions au village. Moi, par contre, j’ai essayé de ne plus vivre comme au village. Quand il revenait à Yacoli, il mangeait avec les villageois, jouait avec eux, tout universitaire qu’il soit. Moi, j’ai adopté une toute autre manière de faire.

Pourquoi ?
Parce que si je choisis d’être comme eux, ils se refuseront à faire ce que je souhaite leur enseigner. Je suis leur frère, mais je ne veux plus me soumettre à leurs modes de vie anciens. J’avais d’autres projets pour eux et le village. Je peux les inviter, bien entendu, à ma table, mais pas tout le temps. Je me suis ainsi efforcé d’instituer une petite différence entre nous, pour conduire plus librement mes projets.

D’où vous vient cette option ?
Quand j’ai commencé à avoir des postes à responsabilités, j’avais un chauffeur que je voulais proche de moi dans le traitement. Il mangeait à ma table. Par la suite, il a cru que nous étions sur un pied d’égalité, il se permettait d’établir un programme parallèle, en marge du mien. Je m’en suis séparé. J’en ai tiré une leçon. J’ai toujours une profonde estime pour l’être humain, je n’hésite pas à recevoir tout le monde, mais il ne faut pas que le rôle et la place de chacun disparaissent et que les responsabilités se confondent. Saviez-vous, en tant que Pdg de l’entreprise qui fournit l’électricité aux citoyens, qu’il est arrivé à votre frère d’omettre de régler sa facture et d’être alors privé d’électricité ? S’il ne me le dit pas, il sera coupé comme tout le monde, mais s’il m’explique, à temps, sa situation, je l’aiderai.

Ça vous fait sourire ?
Non ! Ça, c’est Bernard ! C’est bien lui. Il est ainsi fait. Ce n’est pas par manque d’argent, c’est souvent par omission.

Vous sollicitait-il ? Bernard ?

Presque jamais. Les affaires, les livres, le management, l’argent, une notoriété…

Vous estimez- vous accompli, un modèle ou un chanceux ?

Je dis souvent que ce qui me différencie, c’est la chance que j’ai eue. De faire des études, d’exercer de hautes responsabilités, de mener une vie sociale épanouie… Mais quand les gens parlent de moi, cela me surprend. J’ai l’impression qu’ils exagèrent. Je crois qu’ils vont parfois trop loin dans leurs appréciations. Je crois ne pas être ce qu’ils imaginent. J’éprouve confusément le sentiment d’être toujours ce petit enfant pauvre de Yacolidabouo. Cela me joue parfois des tours : J’ai un ami à qui quand je dis que je n’ai pas d’argent, il répond : « Grand frère, pardon, il ne faut plus dire ça, parce que personne ne te croira ».

 

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