Hommage à Fanny Ibrahima: l’illustre gardien de but et maire de Bouaké n’est plus

4 semaines

Ce matin, la Côte d’Ivoire se réveille avec la disparition de l’un de ses illustres footballeurs, Fanny Ibrahima. Nous vous proposons son portrait hommage rédigé par la journaliste sportive

Il est professeur d’histoire et géographie de profession. Il est également homme politique. A ce titre, il a été pendant un mandat, maire de la commune de Bouaké. Fanny Ibrahima a bâti sa renommée et sa réputation grâce d’une part au sport, le football. Et d’autre part grâce à sa prospérité dans les affaires. L’homme est le propriétaire du célèbre établissement Charles De Gaulle de Bouaké. Quand ajoute à cela le service militaire, on peut que conclure que Fanny Ibrahima est un citoyen accompli.

Le football ivoirien garde encore en mémoire ses prouesses. Il est de la génération des footballeurs des années 1960-1970. Notamment des grands gardiens de buts que la Côte d’Ivoire a connus : Jean Kéita, Daniel Etoukan. C’est une génération d’athlètes aux talents parfois innés et incommensurables. Hélas !, elle n’a jamais pu inscrire son nom sur la plus haute marche du podium du foot africain. Gardien mythique du Stella club d’Adjamé, Fanny Ibrahima constituait à lui seul une bonne part de succès de son équipe. Ses coéquipiers, amis de génération et autres observateurs du football ivoirien de son époque ne tarissaient pas d’éloges sur son talent. A certaines rencontres décisives, ils ne manquaient pas d’écrire, de crier ou de scander : « Fanny on compte sur toi ».

Culture du fair play

Fanny Ibrahima a fait ses débuts à Bouaké en 1958 au Cours normal de Bouaké dans les champions scolaires. « Je n’avais jamais joué au poste de gardien de buts. Au cours d’un match interclasse, nous n’avions pas de gardien et il fallait bien qu’une personne garde les perches. Je me suis essayé et j’ai réussi. Dans ce tournoi, on a continué à m’utiliser comme gardien de buts. Je me suis essayé aussi au handball. Je n’ai pas aimé ».

Il éclabousse de son talent les différentes rencontres notamment celles face à l’équipe de St Viateur, la grande rivale. A l’écouter relater sa carrière de footballeur, l’on pourrait dire de lui qu’il a fait sienne la célèbre maxime du baron Pierre De Coubertin : il faut « Pratiquer le sport d’une façon chevaleresque et loyale. L’important c’est de participer ».

De Bouaké, Fanny s’est retrouvé à Adzopé, au Collège d’Enseignement Général de la ville. C’est là que son destin et celui du Stella club d’Adjamé (Les Magnans) se croisent. « Outre les championnats scolaires, je revêtais les maillots des équipes des fonctionnaires de la ville. J’ai même disputé une finale avec une équipe de Bassam. C’est là que j’ai été détecté par un Européen du nom de Jacques Brek alors coach du Stella club d’Adjamé 

En 1959, il signe sa première licence avec ce club. Avec cette formation, il n’a jamais pu monter sur la première marche du podium du football ivoirien, bien que le club regorge de joueurs talentueux comme : N’zi Apollinaire, Jean-Louis Bosson, Evariste Kouadio, Aoulou Blaise, Djicket Honoré, entre autres. « Nous avons toujours été vice-champion de Côte d’Ivoire ».

La sélection nationale

En 1960, il est recruté en sélection nationale par le coach Bissouma Tapé. Son premier match se déroule face à l’Autriche. Match nul (2-2). « J’ai disputé une partie de la rencontre et Jean Kéita, l’autre ». Commence alors pour lui, dès cet instant, l’aventure sur les stades d’Afrique et du monde. Il se retrouve en équipe nationale militaire. C’est avec cette sélection qu’il flambe sur les stades d’Irak, du Maroc, de France, etc. Un de ses souvenirs inoubliables de cette époque reste le match contre le bataillon de Joinville : « Les journaux français ont titré ‘‘Fanny refuse un désastre à l’équipe de Côte d’Ivoire’’». Il a alors la possibilité de négocier une carrière professionnelle. Ce qu’il refuse.

La finale de la Coupe de Côte d’Ivoire à Daloa en 1972 entre le Stella et l’Asec reste marquée positivement dans sa mémoire, malgré la défaite de son club (1-2). « Jean Kéita et moi avions fait le match. Ça a été un grand match. Et tous ceux qui l’ont vu continuent d’en parler »

La légende Fanny Ibrahima, c’est sa force de caractère, sa forte présence dans sa surface de jeu, et son autorité sur ses coéquipiers. Fanny Ibrahima où l’homme de Rabat a marqué la population de ce pays lors d’un match entre la Côte d’Ivoire et le Maroc. Il a aussi fait de grands matchs en France, notamment à Lille. Il a disputé les Can de Tunisie (1965), d’Ethiopie (1968), du Congo (1972) du Soudan (1970) sans jamais soulever le prestigieux trophée continental. Néanmoins, il compte deux médailles de bronze dans cette compétition.

 

Fanny et l’Africa Sports

Plus tard, il part du Stella club d’Adjamé pour l’Africa Sports. La chose semble passée très facilement. « L’Africa n’a fourni aucun effort pour me débaucher. C’est par amitié pour Kallet Bially que je suis allé jouer dans ce club. Mais le Stella est resté ma famille ».

Un souvenir épique avec l’Africa Sports : le match retour de la coupe d’Afrique des clubs champions entre l’Africa et le TP Mazembé, en 1973. C’était le temps des « Kalala, Bouanga, etc., la redoutable machine de guerre du Zaïre. On avait perdu ici (1-2) au match-aller. On avait pensé qu’on pouvait remonter le score à Lubumbashi. Ça a été terrible là-bas. On a pris trois buts ». De retour de cette campagne malheureuse, il décide de mettre un terme à sa carrière. Mais avant, il aura vécu un autre moment douloureux dans sa carrière : un choc avec Laurent Pokou, au cours d’un mémorable Asec-Africa. L’Asec menait par 1/0, but signé Laurent Pokou. Une autre balle en profondeur pour Pokou ; Fanny voit le danger, il sort de ses buts pour contrecarrer le redoutable attaquant et éviter un second but. Pokou est lancé à toute vitesse, le public est en haleine. Le choc est inévitable. Le gardien et le buteur se heurtent. Pokou tombe sur les genoux. Il n’arrive pas à se relever. On sait la suite de l’histoire : évacuation d’urgence en France, opération du genou. 10 mois d’invalidité. Près d’une  année. Pokou traînera cet inconfort tout au long de sa carrière.

son ami Pokou

Plus de 40 ans ont passé. Contrairement à la rumeur répandue par les fanatiques, les deux hommes sont restés des amis. « Laurent vient me voir ici, de temps en temps. En tout cas, il ne vient jamais à Bouaké sans passer chez moi ». Fanny n’évoque même pas cet épisode de sa vie de footballeur. D’une manière générale, il parle de son passé de footballeur avec détachement, alors que c’est ce sport qui l’a révélé au public.

Fanny Ibrahima peut estimer avoir fait un bon et admirable parcours social. Marié, ancienne gloire du foot ivoirien et même africain, homme d’affaires relativement prospère, ex maire de Bouaké la deuxième grande ville de Côte d’Ivoire. Il fait partie de la liste, sélective, de ces anciennes gloires du sport ivoirien qu’on a du plaisir à rencontrer, parce qu’ils sont restés des modèles pour notre société.

 

Elisabeth Goli

(Extrait du livre à paraître … Sur les Traces …)

 

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