La stratégie de dénonciation des prêtres de son diocèse qui auraient femme et enfants par l’évêque de Man, Mgr Béby Gaspard, est assez inhabituelle dans l’Église catholique pour ne pas aller au-delà et comprendre ce qui a bien pu le pousser à choisir cette « méthode médiatique », au lieu de celle habituelle qui consiste à s’adresser directement aux coupables supposés sans éclabousser tout un corps.
Nommé évêque le 18 décembre 2007 par le Pape Benoît XVI, il n’a pas fallu trop de temps à Mgr Béby Gnéba Gaspard pour se révéler au clergé et aux fidèles laïcs de Man comme un vrai autocrate.
Mgr Agré est parti de Man en 1992, en laissant un diocèse envié pour son organisation structurelle, pour son dynamisme pastoral, pour le niveau de formation de son clergé dans plusieurs domaines, tant sur le plan humain, spirituel, pastoral, que dans plusieurs sciences théologiques et profanes.
Ce sont les fruits pastoraux de ce développement, initié par Mgr Agré, continué par Mgr Téky, que Mgr Béby Gaspard serait en train de piétiner.
Arrivé jeune comme évêque de Man, à 44 ans, il aurait tout de suite refusé une quelconque proximité fraternelle avec les prêtres de sa promotion, ainsi que l’un ou l’autre prêtre de Man qui aurait été son professeur au Grand Séminaire d’Anyama ou son collègue enseignant au Grand séminaire de Gagnoa.
Sa relation avec les prêtres se détériore assez rapidement et certains prêtres optent pour l’exil pastoral en Europe.
Son goût pour l’argent se fait sentir lorsqu’il monopolise la gestion du Centre Béthanie et du diocèse avec les gens de sa parenté, mais bien plus, lorsque certains prêtres constatent que plusieurs projets pour lesquels Rome a envoyé les financements ne sont pas faits, alors que l’évêque aurait justifié par de fausses photos et des rapports truqués qu’ils sont faits. Il aurait même puisé dans un fonds de péréquation propre aux prêtres à leur insu, pour achever un projet dont on ne sait pas où est passé l’argent envoyé par Rome et qui devait servir à cela.
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Ces dernières années, plusieurs rapports auraient été envoyés à Rome pour alerter le Pape des dérives de l’évêque de Man. Rien n’y fit. Il se murmurait seulement que Rome avait reçu les plaintes et que le Pape finirait pas demander des comptes à l’évêque de sa gouvernance, surtout qu’avec le Pape François, des histoires d’argent ont déjà fait perdre leur poste à des évêques corrompus à travers le monde.
Pour certains observateurs, c’est sans doute l’imminence de ce contrôle qui met la trouille à l’évêque de Man. Et profitant de l’arrivée d’un nouveau Nonce apostolique, il a voulu initier une opération de charme en présentant les prêtres de Man comme le vrai problème de son diocèse. Aux dires de son clergé, il aurait même été en contact avec le Nonce apostolique dans les jours qui ont précédé la lecture de sa lettre ouverte.
Il faut ajouter à cela que vers la fin du mois de décembre, Mgr Béby Gaspard avait initié une rencontre de concertation en vue de penser l’avenir du diocèse. À cette occasion, les prêtres s’étaient exprimés librement, dénonçant à l’unanimité une gouvernance cavalière et autocratique.
Constatant la liberté de ses prêtres à dénoncer ouvertement ses dérives, l’autocratique évêque n’aurait rien trouvé d’autre à faire que de s’en prendre publiquement à ceux qu’il appelle les prêtres qui ont femme et enfants. Les questions que l’on se pose aujourd’hui à Man, c’est de savoir pourquoi il ne cite pas ceux qu’il accuse ouvertement. Et pourquoi ne les renvoie-t-il pas du clergé sans jeter l’opprobre sur tout un corps ? Comment pourrait-il encore gouverner un diocèse et collaborer avec des prêtres qu’il donne l’impression de ne pas aimer et qui, à ses yeux, ont toujours été moins que rien ?
Mgr Agré avait créé la Radio catholique de Man comme un moyen d’évangélisation et de promotion humaine. Pour les diocésains de Man, en utilisant les antennes d’une telle radio pour menacer et jeter le discrédit sur ses propres collaborateurs prêtres, Mgr Béby Gaspard a donné la preuve qu’il n’est pas venu pour faire grandir le Peuple de Dieu qui est à Man, comme un bon pasteur, mais qu’il est là, dans la bergerie, comme un loup. C’est pourquoi, lorsqu’on évoque la possibilité du retour de Mgr Béby à Man, les avis dans le clergé comme chez les laïcs sont sans ambiguïté. C’est non ! Il est pardonné, mais la confiance est rompue.
Autrement dit, selon les membres du clergé et les diocésains de Man, après avoir semé le désordre en blessant les brebis, un loup a beau regretter son forfait, il demeure un loup ! Son regret ne peut donc s’interpréter que comme de la ruse pour mieux sévir. Autrement dit, sa parole n’est plus audible. C’est pourquoi il se dit ici à Man qu’il appartient désormais à l’évêque de tirer lui-même la conséquence qui s’impose et d’en informer le Pape. Mais les brebis, dans leur majorité, ne veulent plus le suivre. Parce qu’il leur apparaitrait comme un vrai mercenaire.
JEAN PIERRE DRO KEI
Correspondant régional à Man
POUVOIRS MAGAZINE
