Treize ans. Treize ans déjà que le silence a englouti la voix discrète d’un géant. Ce 31 octobre, la Côte d’Ivoire se souvient de Houon Pierre, qu’on appelait Wompi.
Producteur. Ingénieur du son. Bâtisseur de mélodies. Père du bruit et du rythme.
Et père, aussi, d’un autre tonnerre : DJ Arafat.
Ce matin, à Saint-Jean de Cocody, les cloches résonneront comme autrefois ses guitares.
À Adiaké, sa terre natale, les chants s’élèveront jusqu’au cimetière de Baoulékro, là où il dort.
Deux églises. Deux villes. Une seule mémoire.
Wompi, c’était le son avant le show.
L’ombre derrière les projecteurs, les doigts derrière les disques d’or.
Avec son frère Doh Albert, il fit danser l’Afrique sur “Moya”, titre mythique de l’album Du Bélier, couronné Disque d’Or en 1979.
Une époque où les musiciens portaient des chemises à fleurs, mais des rêves d’acier.
Dans les studios d’Abidjan, tout le monde savait : quand Wompi touchait un instrument, le son prenait feu.
Guitare, clavier, batterie, percussions — il jouait tout, comprenait tout.
C’était un arrangeur habité, un artisan du rythme, un perfectionniste du silence.
Il a façonné Roch Bi, Tchino Rem’s, Lougah François, Tonio Anatole — et bien d’autres qu’il a fait grandir.
Mais le destin n’a pas de refrain.
Dans la nuit du 31 octobre 2012, à Yamoussoukro, en pleine tournée avec Meiway, le son s’est éteint.
Sans avertir. Sans adieu.
Wompi venait de quitter la scène, mais pas l’histoire.
À Adiaké, ce jour-là, le cortège avançait lentement.
Sur le bas-côté, des curieux, des enfants, des mélomanes.
Et parmi eux, DJ Arafat, encore jeune, encore fils, regardant le cercueil d’un homme qu’il appelait papa.
Une foule pour un corps, un cri pour une vie.
L’Afrique disait adieu à l’un de ses premiers ingénieurs du son.
Treize ans plus tard, son nom vibre encore dans les mémoires et dans les mix.
On l’entend dans les refrains d’Abidjan, dans les guitares d’Assinie, dans les voix d’Adiaké.
Parce qu’on n’enterre pas un son.
On le rejoue, encore et encore.
Wompi.
Disque d’Or 1979.
Producteur. Ingénieur. Pionnier. Père.
Et surtout, mémoire d’un peuple qui ne cesse de chanter.
AK
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
