Le 11 octobre l’épouse du Poète, professeur, en poste à Bouaké et initiateur du mouvement apolitique « Ivoironie » Emmanuel Toh Bi, a été arrêtée à Dabou. Toh Bi n’a pas voulu aborder cet aspect dans l’interview qu’il a accordé à POUVOIRS MAGAZINE.
Le 11 octobre, votre épouse a été arrêtée lors d ’une marche pour avoir porté des tenues liées au PDCI-RDA. Comment vivez-vous cet événement ? Et quel impact cela a-t-il sur votre démarche personnelle et littéraire ?
Je ne voudrais pas en parler maintenant. Nous sommes dans un pays organisé où la loi a force d’autorité. Concepteur et promoteur de l’Ivoironie que je suis, je m’impose d’avoir confiance en nos autorités. Et de laisser la justice faire son travail. Nous avons confiance dans la justice de notre pays. Ma plus grande responsabilité, dans l’affaire-ci serait de pouvoir contenir ma douleur et de pouvoir supporter le mal. Qu’une situation strictement personnelle ne m’induise pas à la confusion des genres et ne m’amène pas à dégringoler ou à déraisonner publiquement. De façon telle à m’offrir en spectacles!
Comment vos enfants supportent-ils ce drame?
Si cette arrestation, est un choc psycho-affectif pour moi, l’époux, je vous laisse imaginer ce qu’elle peut provoquer chez les enfants. C’est un choc considérable. Ma création littéraire, nourrie d’expériences quotidiennes, le relatera un jour, certainement. Pour l’heure, nous n’avons d’autre choix que de prendre notre mal en patience. Nous avons foi en la justice ivoirienne. Je n’en dis pas plus.
Comment s’est déroulée la présidentielle ce samedi 25 à Dabou? Quel rôle attribuez-vous à la jeunesse ivoirienne dans cette démarche de “réveil” que vous proposez?
La présidentielle s’est déroulée tranquillement à Dabou, en ville notamment. Ceux des habitants qui voulaient accomplir leur devoir de citoyen, l’ont fait, sans heurt. On a seulement eu écho de bruits émanant de quelques villages. À part ça, rien d’autre. Je saisis la balle au bond pour exhorter la jeunesse ivoirienne à la citoyenneté. Et au travail, à la persévérance, à la solidarité, à la créativité, à l’ingéniosité. Quand les valeurs citées sont de mise, la politique devient une denrée de seconde importance, sinon, de zone mineure.
Le mal périlleux nait quand on jette tout son dévolu sur les hommes politiques. L’ expérience contemporaine a prouvé que, dans un pays, quand la fibre politique est développée, c’est qu’on manque de foi dans ses capacités individuelles. Ou alors qu’on désespère quant à l’avenir personnel et communautaire.
Les hommes politiques, aussi bien du pouvoir que de l’opposition, font ce qu’ils peuvent faire.
Étant des humains, donc, marqués par la finitude, il ne peuvent tout faire, de l’ordre à créer le bonheur paradisiaque instantané. Étant au front des choses, ils sont souvent limités par des réalités que leur sagesse ne leur permet pas toujours de nous en faire part. Rien n’est facile sur la terre. Il faut se battre, d’enseigne individuelle et collective.
En appoint, il faut être citoyen et aimer le pays, par-delà quelque contrariété, comme le prône l‘Ivoironie. La part d’apport de l’Homme politique, ne serait que bonus. En ce qui les concerne, les hommes politiques savent qu’ils ont le devoir d’instaurer un cadre « légifératif », équitable et apaisant. Dans l’intérêt de tous.
Dans un contexte où l’engagement politique peut devenir risqué, comment voyez-vous le rôle de l’intellectuel et du poète dans la société ivoirienne d’aujourd’hui ?
C’est, peut-être, parce que les citoyens ivoiriens, la passion aidant, ont fait le choix de faire de l’engagement politique un risque. Autrement, quand la culture afférente est de mise, quand chacun connaît ses limites, ses droits et devoirs, la politique devient un acte de plaisance communautaire. C’est tout ça que devrait enseigner l’intellectuel ivoirien et africain.
C’est tout ça que le poète, de l’étique olympienne et ancestrale dont ses paroles sont imprégnées, devrait prôner. Il est bien beau de s’affubler de la toge d’intellectuel ou de poète. Mais la responsabilité en est grande, lourde même. Moi, avec l’aide du Comité National de l’Ivoironie, je m’y mets à la tâche bientôt, dans le cadre d’initiatives médiatiques. On le faisait déjà, à notre rythme, mais ce sera d’entrain plus médiatique, donc, plus vigoureux.
Avec votre frère, Vincent Toh Bi non retenu comme candidat, comment analysez-vous les obstacles actuels dans le processus électoral ivoirien ? Pensez-vous que la démocratie y est aujourd’hui pleinement exercée ?
Mon frère a décidé de s’engager en politique. On ne saurait le lui reprocher. C’est un droit de citoyen, prévu par la constitution ivoirienne. Pourvu qu’il le fasse dans les lettres réglementaires et éthiques. Il en a conscience. Je pense que, s’il est sincère dans son engagement, et c’est le cas, il discernerait que son sort politique ne se réduit pas à une postulation à la présidentielle.
Laquelle, d’ailleurs, en est la première expérience. En politique, comme dans tous les autres domaines de la vie, il faut accepter d’apprendre. Supporter ou endosser des déconvenues, fait partie de l’apprentissage. Les personnalités qui sont en première ligne de la vie politique de notre pays aujourd’hui, font cas d’école en la matière. Il faut accepter la formation mentale, l’épreuve de l’esprit.
Ça forge l’être à l’humilité, à l’humanisme, et à la maturité, en général.
Car, diriger un pays, ce n’est pas aussi évident qu’on le croirait.
Alléguant ainsi, je ne pense pas lui enseigner des leçons sur la réalité avisée. Il le sait lui-même. Vincent TOH BI a beaucoup de qualités, et c’est à lui de savoir les rentabiliser.
Toute chose qui s’opère par l’écoute, l’assurance ou la mise en confiance des partisans et admirateurs, le respect du prochain et de l’autorité. Également par la mesure indicative de ses expressions publiques ou en public, le marquage du réel social. Et je dois vous le dire, ce sont des aptitudes et qualités qui se trouvent être imprégnées en lui, et ce, depuis sa tendre jeunesse.
Il s’agirait, maintenant, et, peut-être, de les aiguillonner et de les accroître, de les revisiter, au prorata des défis et enjeux de l’heure. Pour ce qui est de mon opinion relative au niveau de démocratie du processus électoral actuel, je ne pense pas en être un magister de spécialité. La petite difficulté, en Afrique, c’est que chaque citoyen, selon qu’il soit d’un bord ou à/de l’autre, se forge une conception de la démocratie.
Et nous y sommes tous embarqués. C’est, donc, difficile d’être « leçonneur » sur la question. Je pense que si les Ivoiriens et les Africains, en général, parviennent à tisser un climat de confiance au nom de l’amour de la patrie et du plaisir de vivre ensemble, tout se règlera.
Votre concept d’Ivoironie se veut “apolitique”, mais le contexte vous pousse à intervenir aussi politiquement. Comment faites-vous la distinction ?
L’ Ivoironie est apolitique dans le sens que ce concept ne saurait servir la cause d’un individu contre d’autres individus de l’espace politique ivoirien. Toutefois, il se réserve le droit de se prononcer sur des pans et instants nécessaires de la vie politique du pays. Dans la mesure de la sobriété, de l’équité et de la lucidité communautaire, comme cette interview et son contenu semble l’indiquer. D’ailleurs, le slogan du concept de l’Ivoironie en dit long pour ce qui est de la vérité traitée. « Au milieu de nos différences, soyons d’accord sur ce qui ne nous différencie pas ».
Propos recueillis par
POUVOIRS MAGAZINE