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Dans les urnes, le calme. Dans les consciences, le vide. La Côte d’Ivoire vient d’organiser ce samedi une élection qui ressemble plus à un rite qu’à un choix.

Deux dizaines de bureaux de vote observés, de Treichville à Hiré, d’Abidjan à Daloa : le même constat revient, obsédant.
L’opposition est absente.
Pas de délégués, pas de témoins, pas d’yeux pour veiller sur le scrutin.
Les représentants de Ehivet-Gbagbo, Billon, Don Mello ou Lagou n’ont tout simplement pas fait le déplacement.

Dans les salles d’école transformées en bureaux, le candidat Ouattara avance en terrain conquis.
Ses mandataires sont là, disciplinés, sûrs d’eux. Parlant en langue Malinké. Impudiquement. Pourquoi devraient-ils se gêner?
La mécanique tourne, huilée, presque parfaite.
Mais que vaut une victoire sans adversaire ?
Que vaut un scrutin sans tension, sans contradiction, sans respiration démocratique ?

Le silence des urnes

À Daloa, les chiffres s’envolent : 67 %, peut-être plus. Ou moins.
À Hiré, on parle de 80 %. Tout cela est officieux.
Des scores de maréchal, des pourcentages qui sentent la toute-puissance.
Mais il suffit de gratter un peu la surface pour voir le vide : les abstentionnistes sont légion, les électeurs silencieux plus nombreux que les partisans.

Le peuple ivoirien, souvent si bruyant dans la rue, a préféré se taire devant les urnes.
Pas par peur, mais par lassitude.
Cette élection, pour la moitié, n’en est pas une.
Elle ressemble à un spectacle dont on connaît déjà la fin, où les acteurs secondaires ont quitté la scène avant la première réplique.

Les cultures de l’obéissance et celles de la distance

Il faut oser le dire : la politique ivoirienne reste prisonnière de ses cultures d’allégeance.
Chez certains, la consigne vient d’en haut, du père, de l’imam, du chef de famille.
Le vote devient une fidélité, presque un acte de foi.
Chez d’autres, plus enclins à la contestation, la liberté tourne parfois à l’indifférence : « qu’ils finissent leur truc », dit-on avec fatalisme.

Ainsi se dessine la carte invisible de notre démocratie : un pays de devoirs d’un côté, un pays de doutes; de lassitude de l’autre.
Et au centre, un pouvoir qui avance, sûr de lui, porté par l’obéissance plus que par la conviction.

La victoire et l’ombre

Oui, Ouattara gagnera.
Mais ce sera une victoire sans frisson, une victoire administrative, presque silencieuse.
Une victoire qui dit tout de la solidité du système. Mais aussi tout du désenchantement d’une nation qui ne croit plus aux promesses de l’urne.

L’histoire retiendra peut-être ce scrutin comme celui d’un triomphe.
Mais les sociologues, eux, y verront un signe : celui d’un peuple qui s’éloigne du politique. Pour se réfugier dans le quotidien, dans la survie, dans le soupir.

Car au fond, ce 25 octobre, ce ne sont pas les urnes qui ont parlé. C’est le silence. L’absence.
ETHAN GNOGBO & JULIEN BOUABRE
COLL ERICK FOFANA
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE

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