À 80 ans, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo revient sur son parcours, ses adversaires et ses blessures politiques.
Dans un entretien empreint de lucidité et de désillusion, il dénonce ceux qui, selon lui, ont saboté son mandat et précipité la guerre de 2002, tout en affirmant ne plus vouloir briguer de fonction.
« On peut faire de la politique sans occuper de fonctions et sans en chercher », confie Laurent Gbagbo, visiblement fatigué mais lucide.
L’ancien chef de l’État ivoirien accuse ses anciens opposants d’avoir pris les armes pour l’empêcher de gouverner sereinement.
« Ces gens-là ne m’ont pas laissé gouverner. Deux mois après mon élection, les premiers coups de feu éclataient contre la Côte d’Ivoire », se souvient-il.
Selon lui, cette rébellion a paradoxalement prolongé son pouvoir : « Ils m’ont donné une longévité inespérée », dit-il avec un sourire amer.
Il rappelle que, dès le 4 janvier 2003, après une première attaque repoussée, les assaillants ont laissé derrière eux de nombreux morts.
« Ils ont recommencé pendant que j’étais en visite officielle. Parmi eux, il y avait de jeunes Ivoiriens, les IB, qu’ils ont fini par tuer eux-mêmes, Soro et son groupe », accuse-t-il.
Laurent Gbagbo cite également Alassane Ouattara et la France parmi ceux qu’il tient pour responsables de sa chute.
« L’équipe d’Alassane a été citée nommément. Et puis il y a la France. C’est Nicolas [Sarkozy] qui voulait me vitrifier », lâche-t-il sans détour.
« À la fin, il m’a bombardé et m’a fait arrêter, le 11 avril », poursuit-il, évoquant la fin brutale de son régime.
Revenant sur ses débuts au pouvoir, il explique avoir trouvé un champ politique fragmenté, dominé par des querelles de partis et des procès inutiles.
« J’ai alors créé le PPA-CI. Le parti m’a proposé comme candidat, mais je n’ai pas répondu. On est resté plusieurs mois ainsi », raconte-t-il.
Interrogé sur l’élection de 2010, il persiste : « J’ai gagné. Il a contesté la décision constitutionnelle, alors qu’aujourd’hui, il dit qu’on ne peut pas la contester. »
Avec gravité, il conclut : « Moi, je suis sûr de l’avoir battu. Mais à 80 ans, on n’est plus en pleine santé. Je continue le combat, autrement. Ce qui va se faire le 25 octobre en 2025 est un push civil. C’est un coup d’Etat.»
FATEM CAMARA
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE
