12 octobre: Douk Saga, 19 ans après : le silence d’un roi, l’écho d’un empire

4 semaines

Il y a dix-neuf ans, le 12 octobre 2006, s’éteignait à Ouagadougou un artiste pas comme les autres : Stéphane Hamidou Doukouré, plus connu sous le nom de Douk Saga.

Figure légendaire du coupé-décalé et architecte d’un style de vie devenu phénomène social.

Entre strass, provocation et révolution musicale, il avait imposé une vision : celle d’une jeunesse qui danse malgré les cicatrices du pays. À l’heure où les boucantiers d’hier sont devenus soient rien soient pour d’autres les icônes d’aujourd’hui, le « Président » reste dans les cœurs, non comme une simple star, mais comme l’inventeur d’un langage, d’un mouvement, d’une époque.

Il fut plus qu’un chanteur. Il fut un style. Une époque. Une onde de choc dans l’imaginaire collectif d’une jeunesse en quête d’oxygène au cœur des années de braises. Le 12 octobre 2006, dans la tiédeur étouffée d’une clinique de Ouagadougou, Douk Saga s’est tu. Mais son rire, ses pas de danse et son cri de ralliement “travaillement !” résonnent encore. Dix-neuf ans plus tard, la légende n’a pas pris une ride.

Né à Yamoussoukro, dans une Côte d’Ivoire alors encore insouciante, Stéphane Hamidou Doukouré était d’abord un enfant du siècle. De l’informatique à la scène, il n’a pas seulement changé de trajectoire : il a retourné les codes. À Paris, au début des années 2000, pendant que son pays sombrait dans une crise politico-militaire, il inventait un exutoire : le coupé-décalé, danse syncopée, rythme provocateur, philosophie de fête et de flamboyance, une manière d’habiter la douleur avec panache.

Il ne chantait pas la misère ; il la recouvrait de lumière.

Avec La Jet Set, il érigea le luxe en langage, le geste en manifeste. Jeter des billets sur un DJ n’était pas seulement de l’exubérance — c’était, pour une jeunesse écartelée entre guerre et chômage, un acte de réappropriation symbolique, un défi lancé au désespoir. Il s’auto-proclame “Président” non pour briguer un mandat, mais pour rappeler à chacun que le pouvoir de faire rêver vaut parfois tous les fauteuils officiels.

Son style de vie — extravagant, moqué parfois, imité souvent — posait une question plus profonde : comment rester debout quand tout s’effondre autour de soi ? Douk Saga répondait par la danse, par la mise en scène de soi, par l’excès comme refuge.

Derrière les lunettes noires, il y avait pourtant un homme, fragile comme les autres. Sa disparition à 32 ans, des suites d’une maladie pulmonaire, a laissé un vide immense, mais aussi une empreinte indélébile. Des artistes comme DJ Arafat, Debordo Leekunfa ou Mix Premier ont porté son héritage au-delà des frontières, dans une afro-urbanité mondialisée qui ne sait parfois plus d’où elle vient, mais qui continue de battre au rythme qu’il a imposé.

Aujourd’hui encore, le coupé-décalé reste une archive vivante de résistance joyeuse, un legs culturel où chaque sifflet de DJ, chaque mouvement d’épaules porte la signature du pionnier.

Il n’aura pas eu le temps d’écrire ses mémoires. Mais chaque playlist, chaque piste de danse, chaque souvenir d’ivoirité dans la fête est une page qu’il a laissée à ses héritiers.

Le roi est tombé, mais l’empire danse encore.

FATEM CAMARA

photo:dr

POUVOIRS MAGAZINE

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