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« L’Impérial-Terrorisme » de Nyamsi Franklin : « Il n’y a pas de guerre religieuse, le djihadisme c’est… l’Otan »

1 mois

Dans son livre L’Impérial-Terrorisme, Franklin Nyamsi Wa Kamerun propose une lecture radicale des conflits africains récents, en révélant la toile géostratégique invisible liant terrorisme, prédation impériale et intérêts occidentaux.

Un essai coup-de-poing, aux accents de manifeste, qui pose l’Afrique face à son destin.

Le livre L’Impérial-Terrorisme de Franklin Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika n’est pas un ouvrage d’analyse ordinaire. Préfacé par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique du Mali, Kansaye Bouréma, il tient en 231 pages. C’est un acte de parole insurrectionnelle. Une parole qui accuse, nomme, démasque et alerte. À l’image de son auteur, le bouillant philosophe de formation et polémiste de conviction, le texte allie densité intellectuelle et intensité politique. Le livre se donne pour mission de dévoiler les fondements non-dits de la violence terroriste qui secoue l’Afrique sahélienne depuis plus d’une décennie. Mais l’auteur ne s’arrête pas à une explication sociologique ou religieuse de ces violences. Il en propose une lecture géopolitique radicale.

Selon Franklin Nyamsi, la prétendue menace djihadiste n’est qu’un subterfuge narratif. Un récit-masque utile à un projet de domination impériale contemporaine — d’où le néologisme puissant d’« impérial-terrorisme ». Pour lui, le tournant décisif de cette stratégie remonte à la destruction de la Libye en 2011, qu’il lit comme le point de rupture dans l’équilibre sécuritaire africain. La chute de Kadhafi a ouvert un corridor d’insécurité structuré et entretenu, qui a permis l’irruption de groupes armés hybrides, dont les objectifs réels seraient dictés depuis les capitales occidentales et moyen-orientales.

Le livre s’inscrit ainsi dans une tradition intellectuelle critique du néocolonialisme, mais il en renouvelle les outils. Nyamsi n’accuse pas seulement les anciennes puissances de continuer à exploiter le continent: « Ils ont ramassé plus de 100 millions d’Africains pour aller développer les États-Unis et l’Europe. C’est le sang des noirs qui a construit l’occident« . Mais il démontre comment le discours humanitaire, la guerre contre le terrorisme, et les institutions internationales participent d’un même théâtre impérial.

Un champ de bataille économique camouflé

L’un des apports du livre est de réintroduire la question des ressources au cœur de l’analyse. Pour Nyamsi, la guerre au Sahel n’est pas idéologique. Elle est économique. Elle vise à maintenir un accès contrôlé et bon marché aux matières premières africaines : or, uranium, coltan, pétrole, café, coton, cacao… Une Afrique industrialisée serait trop autonome, trop stable, donc trop forte. L’« impérial-terrorisme » est donc conçu comme un frein géostratégique à l’industrialisation du continent. Dans le livre de Nyamsi, les groupes djihadistes, loin d’être des fanatiques religieux désorganisés, sont décrits comme des armées privées, au service d’agendas étrangers, dissimulés derrière un écran religieux.

L’Ukraine, un acteur émergent de la manipulation sahélienne ?

On comprend alors les récents développements géopolitiques liant l’Ukraine au conflit sahélien. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso soupçonnent l’Ukraine d’avoir soutenu militairement les groupes séparatistes touaregs et certaines factions djihadistes.

Cette extension du spectre impérial à l’Ukraine peut surprendre, mais elle s’inscrit dans une lecture du monde fondée non sur les déclarations diplomatiques officielles, mais sur les alliances fonctionnelles entre États, entreprises, armées privées et groupes armés. Pour Nyamsi, l’Ukraine n’est pas une victime solitaire, mais un relais actif d’une guerre économique globale, où l’Afrique reste le principal champ de bataille.

L’Afrique sommée de choisir

Mais L’Impérial-Terrorisme n’est pas seulement un livre d’accusation. C’est aussi un appel à la mobilisation. L’auteur convie les Africains à se libérer du prêt-à-penser sécuritaire, à dénoncer les logiques d’occupation indirectes, et à penser l’unité continentale comme un impératif de survie. Le livre est traversé par une spiritualité militante : foi, espérance, charité active y sont convoquées non comme valeurs morales décoratives, mais comme forces de reconstruction politique.

Il ne s’agit plus de demander justice aux anciennes puissances coloniales, mais de construire la souveraineté par soi et pour soi. Une souveraineté des consciences, des récits, des institutions, et surtout des imaginaires. Le combat n’est pas uniquement militaire ou économique. Il est aussi philosophique, anthropologique, civilisationnel.

L’Impérial-Terrorisme il faut l’avouer est un livre qui dérange. Il ne caresse pas dans le sens du poil. Il prend position, avec vigueur et sans ménagement. Certains y verront un excès de dénonciation, d’autres un salutaire exercice de dévoilement. Mais qu’on partage ou non l’intégralité de ses thèses, l’ouvrage a le mérite de poser des questions fondamentales que peu d’intellectuels osent aborder aussi frontalement :

  • À qui profite vraiment l’instabilité du Sahel ?
  • Pourquoi les solutions militaires proposées depuis l’extérieur aggravent-elles souvent les crises ?
  • Comment penser une stratégie africaine de sécurité indépendante, intégrée, souveraine ?
  • Peut-on encore croire au discours humanitaire lorsqu’il accompagne systématiquement des intérêts géoéconomiques majeurs ?

Les limites de l’ouvrage : entre puissance polémique et fragilité analytique

Malgré la force argumentative et la sincérité de son engagement, L’Impérial-Terrorisme présente plusieurs limites qui nuisent à sa pleine portée intellectuelle. D’abord, le ton résolument militant, souvent dénonciateur et parfois accusatoire, renforce l’intensité rhétorique du propos. C’est vrai, mais ce même ton affaiblit considérablement sa rigueur analytique. Ce style, marqué par une posture de combat idéologique, tend à nuire à l’objectivité attendue d’un essai géopolitique à vocation intellectuelle. L’insuffisance d’un appareillage critique rigoureux — sources primaires, données empiriques, confrontation d’idées — certaines affirmations reposent davantage sur des intuitions personnelles que sur des démonstrations argumentées. Le lecteur averti est ainsi confronté à des postulats puissants, mais parfois (pas toujours heureusement) non étayés.

Par ailleurs, l’ouvrage repose sur une grille de lecture manichéenne opposant de manière systématique une Afrique victimisée/victime à un Occident prédateur. Cette dualité radicale, si elle a le mérite de clarifier une position politique, tend à simplifier à l’excès la complexité des dynamiques contemporaines. Elle néglige notamment le rôle des élites africaines dans la reproduction du chaos (corruption endémique, dépendance stratégique, compromissions diverses). Ainsi que les dynamiques internes aux groupes armés : motivations identitaires, revendications locales, fractures communautaires ou effets collatéraux de l’effondrement des États. De même, les puissances émergentes telles que la Chine, la Russie ou la Turquie, dont l’influence croissante en Afrique soulève aussi des questions d’ordre néocolonial, ne sont guère interrogées avec la même acuité critique.

Autre limite notable : le rejet total de la dimension religieuse dans les logiques djihadistes.

L’auteur insiste sur le caractère géopolitique et mercenaire des groupes armés. Mais Nyamsi tant à nier presque toute place à l’idéologie religieuse dans leur formation ou leur action. Or, même si l’instrumentalisation de la religion est avérée, il serait hâtif de nier l’existence d’une radicalisation sincère. Même fanatique, chez certains individus. Ce déni global et généralisant empêche une lecture fine du phénomène. Notamment sur le plan sociologique ou psychologique. En occultant l’une des dimensions structurantes de la violence djihadiste.

Enfin, l’Afrique est dans l’ouvrage, une entité unifiée, dotée d’une volonté collective à mobiliser. Ce postulat, typique du discours panafricaniste, ignore les réalités fragmentées du continent. Il passe sous silence les divergences d’intérêts entre États africains, les fractures linguistiques et historiques. Ou encore les stratégies concurrentes en matière diplomatique, économique ou sécuritaire. Penser la souveraineté africaine exige au contraire une lecture différenciée, ancrée dans les complexités nationales et régionales. Et non un idéal homogène, aussi noble soit-il. L’Afrique a déjà été dépecée, il ne fait pas le nier.

En somme, si L’Impérial-Terrorisme constitue un très beau signal d’alarme salutaire et un cri de révolte articulé, il gagnerait en force intellectuelle en assumant la complexité du réel, en diversifiant ses sources. Et en ouvrant le débat au lieu de le fermer sur des certitudes. De trop grandes certitudes.
ALEX KIPRE
photos: dr
POUVOIRS MAGAZINE

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