Crises bancaires : Leçons pour éviter le crash

2 jours

Croissance rapide, gouvernance défaillante, gestion du risque ignorée : les crises bancaires récentes rappellent la nécessité d’une réponse réglementaire rigoureuse.

Cette étude de Camus Bomisso analyse les causes, propose des pistes, et souligne les dangers d’un conseil d’administration trop complaisant.

« Il faut toujours prendre le maximum de risques avec le maximum de précautions. »
— Rudyard Kipling

Les crises bancaires, passées ou récentes, ont une trame commune : une croissance rapide, une complexité accrue des opérations et une prise de risque mal maîtrisée. Qu’il s’agisse de la faillite de Republic First Bank ou de la crise de 2008, les causes systémiques sont identifiables et souvent évitables.

Depuis 15 ans, trois constantes émergent dans les échecs bancaires :
1. Croissance excessive sans maîtrise.
2. Produits de plus en plus complexes.
3. Infrastructures de gestion des risques négligées ou sous-investies.

Les conséquences sont connues. Pourtant, la réponse réglementaire reste trop souvent réactive, rarement anticipée. Un principe pourtant élémentaire est souvent ignoré : développer la gestion des risques avant la croissance.

1. Les crises bancaires appellent des réponses réglementaires adaptées

Même si la crise mondiale de 2008 et celle de 2023 sont séparées de quinze ans, la réponse réglementaire reste similaire.
Après les défaillances bancaires régionales en 2023, la FDIC a proposé des lignes directrices en gouvernance et gestion des risques. Elles rappellent celles de l’OCC après 2008, avec des exigences plus strictes.

Ces lignes imposent une approche fondée sur trois lignes de défense, avec une gestion des risques indépendante (deuxième ligne) ayant un rôle proactif.
La fonction risques doit non seulement élaborer un cadre structuré, mais aussi alerter le conseil d’administration et la direction sur les menaces systémiques.

Les nouvelles règles sont également plus prescriptives :

  • Majorité d’administrateurs indépendants (au lieu de deux seulement).

  • Obligation de signaler toute violation réglementaire.

  • Surveillance active du comité des risques.


Les nouvelles normes demandent aux banques d’investir dans une gouvernance active, rigoureuse, documentée et pilotée par des experts indépendants.

2. Éviter la « fatigue » de la gestion des risques : une priorité stratégique

La croissance rapide d’une banque est comparable à la fatigue d’un métal soumis à des contraintes répétées : fissures, puis rupture.
En physique, un composant métallique finit par céder si la pression est trop forte ou répétée. Il en va de même pour les institutions financières.

À mesure que les banques grossissent, leur complexité augmente. Si la gestion des risques n’évolue pas en parallèle, le point de rupture est inévitable.


Une banque sans gouvernance solide est comparable à un avion dont les boulons fatiguent : la catastrophe devient probable.

C’est pourquoi les régulateurs veulent désormais imposer des exigences strictes même aux banques moyennes (à partir de 10 milliards d’actifs).
Les crises ne sont plus l’apanage des mastodontes financiers : l’effet domino touche désormais toutes les tailles.

3. Étude de cas : quand le conseil d’administration reste silencieux

Prenons une banque passant de 10 à 100 milliards d’actifs en trois ans. Sa complexité explose. Les risques aussi.
Elle met certes en place des outils de gestion des risques performants, des processus d’analyse et une deuxième ligne de défense active.
Mais si le conseil d’administration reste passif, non indépendant ou complaisant, l’alerte ne remontera jamais.


Sans indépendance du conseil, les signaux d’alerte de la fonction risques ne sont ni entendus, ni considérés, ni suivis.

Un conseil focalisé uniquement sur la rentabilité, sans contrepoids stratégique sur le risque, transforme un potentiel succès en naufrage.
Une culture d’entreprise centrée sur la croissance sans éthique de responsabilité mène inévitablement à la crise.

4. Ce qu’il faut retenir

À mesure qu’une banque grandit, sa gouvernance et son infrastructure de gestion des risques doivent évoluer au même rythme.
Les meilleures réglementations ne suffisent pas si la culture du risque n’est pas partagée par le sommet.
C’est l’ADN du leadership, sa lucidité, son indépendance et sa transparence qui permettent d’éviter la « fatigue des métaux ».


Une gouvernance proactive, indépendante et exigeante reste le meilleur rempart contre l’emballement des risques et les crises bancaires.

Si les équipes dirigeantes ignorent les signaux faibles, elles seront tôt ou tard confrontées à des régulateurs moins indulgents.
En matière de gestion des risques, mieux vaut prévenir que corriger. La confiance du public et la stabilité du système bancaire en dépendent.

Camus Bomisso, FRM
Administrateur indépendant – Spécialiste en gestion des risques
photo:dr

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