Dominique Mobioh Ezoua : parole d’or, âme de sève
Par Alex Kipré
Je me souviens. J’étais en proie à une indignation sans repos.
Une injustice éclaboussait une dame que j’aimais et que j’aime profondément. Ce qu’on disait dans les colonnes me paraissait d’un travestissement cruel. Mon cœur était une forge, et la seule arme que je trouvai fut celle de la parole. J’écrivis un texte. Une défense. Une élévation. Mais il me fallait une voix, un passeur. J’allai vers elle.
Dominique. Une sœur texane. Une lumière. Elle avait fait le CESTI de Dakar, cette maison où l’on forme les journalistes à la rigueur comme à la dignité. Sa plume, dans Ivoire Dimanche, avait imposé le respect. Elle lut. Puis elle leva les yeux. Et me dit :
« Écoute Le Baron — c’est ainsi qu’on m’appelait au Texas (Villa Cadres) avec tendresse — je suis incapable d’écrire cela. Tu écris trop bien. Tu es une plume. Il te faut rejoindre cette profession. »
Je n’avais ni diplôme de Lille, ni parchemin du CESTI. Mais je tenais cette onction-là : celle que donne une sœur d’encre, en toute vérité.
Elle m’a supplié d’écrire.
Elle m’a ouvert un sillon. Grâce à elle, je rencontrai les grands — Eugène Zadi d’abord, puis Jérôme Carlos, Lucien Houédanou, Vieyra, Bailly, Grah Mel. Des hommes qui pensaient avec la phrase. Dominique m’a fait naître à cette confrérie. Et elle ne cessa jamais de m’honorer.
Elle incarne une beauté de terroir et d’âme. Un teint clair vif caramel, comme seules savent l’offrir les Hatiennes de l’ouest d’Éburnie. Une présence solaire, fièrement héritée de sa mère Bété, cette femme libre, digne et franche — matrice première du verbe sans complexe dont Dominique a fait sa marque.
De sorte que la plume de Dominique Mobioh, comme les phrases de sa mère bété, a la saveur rare des mots bio. Elle écrit comme on cultive un jardin sans engrais chimique, en laissant parler la terre et le ciel. Ses phrases ne sont ni gonflées d’orgueil ni saturées de fioritures : elles poussent lentement, enracinées dans le réel, mûries à l’ombre de la sincérité. Ce sont des mots sans additifs, sans conservateurs d’artifice, riches en sens comme en sève. Sans IA. À chaque ligne, on sent le naturel, le juste, l’essentiel.
Dominique ne trafique pas l’émotion : elle la livre brute, tendre, nue
Elle a su porter haut cette parole féminine sans compromis, sans minauderie, dans une société parfois sourde aux voix de femmes fortes. Avec Divine Afrique, magazine audacieux et soyeux, elle a voulu célébrer celles qui transforment l’Afrique par l’action, la pensée, l’exemplarité. Un média de prestige, de profondeur et d’élégance — à l’image de sa créatrice. Mais entre journalisme et entreprenariat, il y a un fossé.
Dominique est aussi fille du pionnier Victor Becket, figure tutélaire de l’assurance en Côte d’Ivoire, et inspirateur de Diagou Kacou de Nsia. En août, elle célébrera vingt ans d’un mariage serein avec Ezoua, son compagnon de vie, entourée de leurs filles. Toutes originaires de la Villa Cadres, entre l’école de police et celle de gendarmerie. Elle avance, debout, malgré les absences qui creusent le cœur : David l’aîné, Richard, Régis, ses frères chéris dont elle porte la mémoire comme une source.
Que la vie te soit douce , tolérance et indulgente. lumineuse comme vos silences habités.
Tu n’écris.
Tu inscris. Pour moi, tu l’as fait.
Ce 11 juin 2025, qu’il me soit permis de lui dire, avec sincérité et gratitude :
Bon anniversaire, Dominique.
ALEX KIPRE
photos: dr
POUVOIRS MAGAZINE