Toh Bi, Djé Bi Djé, Lagou,Tiémoko….: Pourquoi veulent-ils déjà être Président ? 

2 semaines

Cinq ans près KKB, Vincent Toh Bi, Olivier Djé Bi Djé, Henriette Lagou, Assalé Tiémoko… Ils s’annoncent les uns après les autres avec ferveur, enthousiasme, voire insolence.

Mais à quoi ressemble donc la Côte d’Ivoire pour qu’il suffise d’être jeune pour piaffer d’impatience de la gouverner ? Comment perçoivent-ils le pays ? Que représente-t-il à leurs yeux ?

Pourquoi leur regard transperce-t-il avec condescendance le pays de leurs ancêtres, celui de Félix Houphouët-Boigny ?

Est-ce de l’inconscience ? Ou un désir de réussir où les vieux devanciers ont trébuché ?

Certains se disent « la relève », d’autres « l’alternative », d’autres encore parlent de « génération consciente ». Tous ont pour point commun d’être des cinquantenaires ou des sexagénaires, de refuser l’usure du système politique actuel, et d’aspirer à écrire une page nouvelle de l’histoire politique ivoirienne. Ce sont des figures montantes ou prétendues telles. Pourtant, un avertissement s’impose : nul destin politique honorable ne se construit sans, entre autres atouts, une solide connaissance et conscience du passé.

Car non, le combat pour une Côte d’Ivoire libre, plus juste, plus représentative, plus souveraine et plus forte n’a pas commencé en 2011, ni en 1999, ni même en 1990 avec la chute du parti unique.

Il s’ancre bien plus loin, dès les années 30.

Avec les luttes syndicales pour une juste rémunération des produits agricoles. Bien avant les années de braises au cours de la décennie 1950-1960 à l’époque de la lutte anti coloniale qui était porteuse d’un idéal : la liberté et l’indépendance. Pour arracher cet idéal des mains coloniales, il a fallu des hommes probes, moralement propres et muent essentiellement par et pour le bien des populations.

Bien plus tard, peu avant l’indépendance acquise en 1960, s’engage la lutte pour le multipartisme. Lorsque les Harris Memel-Foté, Zadi Zaourou, Francis Wodié, pour ne citer qu’eux, plantaient les graines d’une gauche ivoirienne combative, intellectuelle, enracinée dans les masses. Ce serait une erreur historique que de croire que la quête de démocratie, de justice sociale ou de souveraineté est une invention de la jeunesse actuelle. Ces idées ont déjà vécu, combattu, parfois triomphé, d’autres fois échoué.

 

Il suffit de visionner ou de lire les Sofas de Zadi Zaourou qui montre l’opposition épique entre Karamoko et son père Samory pour se rendre compte de ces héritages. Pour aussi réaliser que le combat de protection des valeurs et de souveraineté chère aux africanistes d’aujourd’hui date d’il y a longtemps.

Une génération qui se cherche un souffle sans racines

Prenons Henriette Lagou. Présentée comme une figure féminine de la politique, elle incarne davantage une mécanique de légitimation institutionnelle qu’une véritable alternative. Son rôle, largement perçu comme décoratif, rappelle cette pratique Kkbéiste : placer des figures secondaires pour donner une illusion de pluralité à une compétition verrouillée à triple tours. Lagou a été proche de Bédié puis de Gbagbo avec ses 2 millions de femmes et aujourd’hui semble n’être qu’une pâte à modeler. Sa fonction est claire : occuper l’espace laissé vacant par Kkb. Et non le transformer.

Vincent Toh Bi, quant à lui, fut un moment une énigme politique. Ancien préfet populaire, ancré dans le terrain, il a su incarner une posture nouvelle  : celle du serviteur public en action directe. Son courage dans la gestion des crises lui a valu admiration. Mais à vouloir trop rester au-dessus de la mêlée, à cultiver le flou entre posture institutionnelle et ambition politique, il s’est dilué. Sa pseudo-candidature non assumée a brisé l’élan. C’était en 2020. Il est devenu une figure de l’occasion manquée. En 2025, on n’ose espérer qu’il ne soit pas adepte du Kkbéiste d’un niveau autre.

Olivier Djé Bi Djé, de son côté, surgit avec un discours souverainiste.

Souvent confus, parfois courageux.

Sa proposition de remplacer « Ivoirien » par « Ivoirois » ou « Ivoireines » intrigue, quand elle n’arrache des sourires en coin. Mais l’initiative manque de colonne vertébrale autant idéologique que pragmatique. Le nationalisme ne se décrète pas, il se pense, il s’élabore. Djè Bi semble incarner un désir sincère d’alternative, mais sans ancrage historique, ni stratégique. Il lui manque la rigueur d’un projet structuré et le poids d’un réseau militant. C’est-à-dire… l’essentiel.

Assalé Tiémoko apparaît comme l’un des seuls à avoir préparé son entrée en politique avec méthode et cohérence. En choisissant le journalisme d’investigation, il a construit une image de sentinelle citoyenne, de vigie républicaine. Il a conquis sa commune non par les promesses, mais par le travail. Son œuvre dans la ville de Tiassalé est palpable et fortement appréciée de ses administrés. Cependant, sa possible candidature nationale le projette dans une arène fermée, dominée par des logiques de verrouillage institutionnel. A-t-il seulement une idée de la montagne qu’il croit pouvoir gravir avec comme seule arme sa jeunesse. Ne risque-t-il pas d’y perdre gros particulièrement ce qui faisait sa singularité ?

Héritiers sans legs ?

La vraie question est là : ces jeunes veulent incarner la rupture, mais le peuvent-ils vraiment ? savent-ils de quoi ils héritent ? Connaissent-ils l’histoire politique de ce pays ? L’histoire des forces en présence ? Se sont-ils nourris des luttes de la JRDACI, des combats des syndicats étudiants avec l’UNECI ? Connaissent-ils des figures comme Joachim Boni, Bauza Donwahi, Konan Banny ? Pas Charles mais Jean.

Ont-ils la moindre idée de ce que représente un certain Laurent Akoun des années 1980 dont les expériences syndicales avec le Synesci, politiques avec la gauche démocratique, l’intégrité morale sont une source à laquelle certains jeunes devraient aller s’abreuver. Ont-ils lu Laurent Gbagbo, non comme président, ou comme compagnon de Nady Bamba mais comme militant isolé qui osa, en 1990, affronter l’ordre Houphouëtien, au risque de sa liberté ?

Savent-ils que Tanoé Désiré Président de la chambre des Rois est un communiste qui s’est mué en  » roi donc monarque », (dans un grand écart) avec toute l’idéologie et les postures politiques qui en découlent ?

Le danger pour cette génération n’est pas de vouloir exister. Il est de vouloir tout recommencer, comme si rien ne les avait précédés. Or, c’est précisément cette ignorance qui pourrait les condamner à répéter les échecs plutôt qu’à s’appuyer sur les victoires passées. Dans une Côte d’Ivoire encore marquée par une verticalité autoritaire, ils doivent faire leurs classes, bâtir des coalitions, lire les grands textes, comprendre les erreurs des aînés.

On ne saurait leur dénier ce droit de devenir Président, mais il leur faut un peu de modestie, beaucoup d’humilité. Il leur faut de comprendre les origines lointaines de la crise actuelle qui plongent ses racines non pas en 1989, 90 mais bien plus loin.

Sans cela, ils seront balayés par le rouleau compresseur du pouvoir, comme d’autres avant eux.

La politique n’est pas un effet d’annonce. C’est une patience.

L’avenir politique ivoirien a besoin d’eux. Mais il les veut solides. Ancrés. Humbles. Très humbles même. Courageux. Plutôt que voir brûler en eux la flamme du gain financier facile et rapide à travers la politique, ils devraient être porteurs d’un idéal.

Lequel ? A eux de le proposer aux Ivoiriens en s’inspirant et en respectant la bien triste et douloureuse histoire de ce pays.

ALEX KIPRE

photo:dr

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