La Chine, invitée d’honneur du SARA 2025, a honoré la Côte d’Ivoire de sa présence avec une forte délégation.
Elle est arrivée avec des machines de pointe. Des équipements agricoles conçus et fabriqués sur son propre territoire. Une démonstration technologique impressionnante, certes, mais qui soulève des interrogations profondes : qu’apporte réellement cette présence à la Côte d’Ivoire ?
Dans un pays qui ne fabrique pas encore ses propres machines agricoles, l’enjeu est moins dans l’exposition de matériel sophistiqué que dans la capacité à en maîtriser l’usage. L’entretien et la reproduction. Or, les équipements chinois, non offerts mais achetés, risquent à terme de poser problème. Une fois en panne, ces machines nécessiteront souvent l’intervention de techniciens chinois. Faute de compétences locales pour les réparer. Cela crée une forme de dépendance technique peu compatible avec l’ambition d’autonomie agricole.
Le véritable enjeu du SARA — Salon international de l’agriculture et des ressources animales — ne réside pas dans l’importation de technologies ou la présentation folklorique de plats et danses traditionnels. L’objectif fondamental doit être la valorisation du potentiel agricole ivoirien, la structuration des filières locales, et la souveraineté alimentaire. Il s’agit aussi de démontrer la capacité du pays à coopérer intelligemment avec ses partenaires régionaux et internationaux, sur la base d’un échange équitable.
Malheureusement, à cette 7ᵉ édition, le commissaire général du salon, M. André Kouassi, a mis l’accent sur des aspects festifs.
Comme la présentation des mets régionaux et des danses locales. Une démarche certes culturelle, mais qui, à elle seule, ne répond pas aux défis agricoles actuels. Insécurité alimentaire, manque de formation technique, accès limité aux innovations et absence de structuration territoriale des politiques agricoles.
La Côte d’Ivoire s’est pourtant félicitée d’avoir accueilli la République populaire de Chine. Deux protocoles d’accord ont été signés au parc des expositions d’Abidjan, le samedi 24 mai 2025. Le premier, entre le ministre d’État, Kobenan Kouassi Adjoumani, et le vice-ministre chinois Zhang Xingwang, porte sur la coopération agricole bilatérale. Le second, intitulé « Mémorandum d’entente sur la coopération scientifique et technologique », lie l’académie d’agriculture tropicale de Chine et l’Université de San Pedro.
Ces accords pourraient être porteurs de transformation s’ils s’accompagnent de véritables transferts de savoir-faire, de formations techniques locales et de soutien aux structures décentralisées. Sans cela, le SARA risque de devenir une vitrine sans impact, un salon de prestige plus qu’un levier de transformation.
En somme, le SARA doit être un espace stratégique, tourné vers l’avenir, où se pense et se prépare l’indépendance agricole ivoirienne. Il est temps de passer d’une logique de consommation de technologies étrangères à une dynamique de production locale, d’innovation endogène et de partenariats intelligents.
JM AHOUSSY
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE