Ally Coulibaly, parrain fidèle des lettres : quand la politique fait une halte dans les pages du savoir
Dans un monde politique souvent pressé, où le verbe se fait parfois arme plutôt que réflexion, il est des gestes qui apaisent, élèvent, inspirent. Ally Coulibaly, actuel Grand Chancelier de l’Ordre National de Côte d’Ivoire, en est l’un des beaux exemples. Figure discrète mais profondément respectée, il promène régulièrement sa silhouette élégante dans les allées des salons du livre. Parmi les passionnés d’encre et de papier.
Récemment, il a répondu à l’invitation de la poétesse slameuse Kacou Marceau, qui l’avait convié à une séance de dédicace à la librairie Carrefour Siloe. Loin des protocoles rigides, l’homme avait fait honneur à la jeune autrice par sa présence attentive, rehaussant l’événement de sa stature. Mais surtout de son écoute.
Ce n’est pas une première. Lors de la 14e édition du Salon international du livre d’Abidjan (SILA), il n’a pas hésité à parcourir les stands, à échanger avec les auteurs et les éditeurs. Il a marqué sa présence en s’arrêtant tant auprès d’Alafé Wakili que de Serge Bilé, ou même de Madame Simone Gbagbo, pourtant adversaire politique. Car ici, dans cet espace consacré au livre, les convictions s’effacent devant la pensée partagée.
Un homme de lecture, sinon d’écriture
S’il n’a pas écrit de livre, Ally Coulibaly en a beaucoup lus. Sa bibliothèque personnelle en témoigne : elle contient parfois deux exemplaires d’un même ouvrage, preuve d’un attachement profond à certains textes et d’une volonté de partage. Un véritable budget du savoir, assumé, discret mais conséquent. Dans un pays où la lecture reste encore un luxe pour beaucoup, son exemple éclaire.
Ancien journaliste, ex-directeur de la télévision nationale, il sait mieux que d’autres le rôle du livre dans l’édification des sociétés. Le mot l’habite, même s’il ne le publie pas. Il lit, il cite, il recommande. Et surtout, il encourage.
Pour la 15e édition du SILA, il est reconduit comme parrain. C’est une première dans l’histoire du Salon. Jamais une même personnalité n’avait été rappelée à ce rôle symbolique deux années de suite. Ce renouvellement n’est pas anodin. Il marque la reconnaissance d’un engagement sincère, profond, régulier.
Ally Coulibaly revient non pas par habitude, mais par choix. Celui de s’abonner à la pensée, de croire au pouvoir du livre comme pont entre les générations, entre les idées, entre les camps. Il n’a peut-être pas les moyens financiers des grandes entreprises de téléphonie, mais il a le réseau téléphonique – littéralement et symboliquement – pour mobiliser les ressources, solliciter les bonnes volontés, contacter les mécènes. Ce n’est pas rien.
Il relie les mondes
Aux côtés du commissaire général N’Dakpri, dont les choix d’auteurs et de thématiques sont salués pour leur justesse, Ally Coulibaly fait le lien. Entre la politique et la culture. La parole publique et l’imaginaire littéraire. Entre l’État et les citoyens qui lisent.
Dans un temps où le bruit domine, il choisit la page. Dans une société parfois fragmentée, il célèbre ce qui unit. Son retour au SILA n’est pas seulement un hommage, c’est un message : la littérature est aussi une affaire d’État. « Une cause nationale » pour le citer.
ALEX KIPRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE