Sila 2025: le geste de Ouattara, un verre d’eau dans l’océan?

4 semaines

Le SILA, Salon International du Livre d’Abidjan, s’apprête à ouvrir ses portes pour sa 15e édition, du 6 au 10 mai 2025.

Un rendez-vous incontournable, non seulement pour les amoureux des lettres. Mais également pour tous ceux qui croient en la puissance du livre comme vecteur de transformation sociale et économique. Pourtant, une question lancinante persiste : pourquoi, alors que la culture est un pilier essentiel de l’identité et du développement d’un pays, demeure-t-elle le parent pauvre de la société ivoirienne ? Et plus encore, pourquoi le livre, outil de savoir, d’émancipation et de prospérité intellectuelle, reste-t-il souvent marginalisé par ceux qui pourraient pourtant en faire un levier de changement ?

Pourquoi a t-on du mal à comprendre la symbolique du geste Ouattara qui a acheté pour 2 millions de livres l’an dernier?

Le Président avait souhaité qu’on imitât son achat qui en réalité était la symbolique d’une implication étatique dans la chose du savoir et de l’intelligence.

Ce SILA, dont le thème » Livre racines » et la portée vont bien au-delà d’un simple salon de littérature, se doit d’être le lieu d’un éveil collectif.

Un point de départ pour une réflexion profonde sur la place du livre dans notre société.

Il est temps, plus que jamais, de questionner l’attitude des entreprises ivoiriennes face à l’impératif de soutenir la culture. Et de promouvoir l’accès au livre.

Particulièrement pendant les campagnes électorales, un peuple qui ne lit pas et qui n’a pas de mémoire historique devient une proie facile. Les discours démagogiques, les promesses vaines et les manipulations émotionnelles prennent facilement le dessus. Sans une culture de réflexion critique et une conscience de l’histoire, les électeurs peuvent être orientés par des messages simplistes, sans fondement.

C’est le cas actuellement. Et les Ivoiriens sont alors plus enclins à faire des choix qui ne servent ni leur bien-être ni celui de la nation. La mémoire collective et l’accès à une information éclairée sont des boucliers essentiels contre les manipulations politiques.

La culture : un actif négligé

C’est pourquoi, en Côte d’Ivoire, comme dans bien d’autres pays en développement, la culture et, par extension, le livre, ne doivent plus être perçus comme des luxes. Des objets de consommation secondaire, relégués à la marge des préoccupations économiques.

Les grandes entreprises ivoiriennes telles que Côte d’Ivoire Tourisme, Côte d’Ivoire Énergie, Witti Finances, AFG Bank, et bien d’autres aux activités téléphoniques comme Mtn, Orange, Moov… ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine. En intégrant une responsabilité sociale (RSE) véritablement engagée et un soutien financier aux secteurs de la culture, ces entreprises ne feraient pas qu’honorer un devoir moral. Elles contribueraient activement à la construction d’une société plus juste, plus éclairée et plus innovante.

Aujourd’hui, le RSE ne se limite plus à des actions ponctuelles ou à des initiatives isolées. Il s’agit d’une démarche stratégique, d’un engagement global et durable pour le bien-être de la société et de l’environnement. Les entreprises qui l’adoptent comprennent qu’elles ne se contentent pas de générer des profits, mais qu’elles ont aussi une responsabilité envers les communes, les citoyens, et même la planète.

Le livre, un outil de développement négligé par les entreprises

Les entreprises ivoiriennes, qu’elles soient publiques ou privées, semblent ignorer les effets puissants que le livre peut avoir dans l’épanouissement de leurs propres employés, partenaires, et même de leurs clients. La lecture est un moteur de créativité, un outil de réflexion et de réflexion stratégique qui, s’il est correctement promu, peut favoriser l’innovation, la résolution de problèmes complexes et l’esprit d’entreprise.

Il est donc plus qu’urgent que des acteurs économiques comme Côte d’Ivoire Énergie ou Witti Finances ne se contentent pas de leur simple rôle dans l’économie d’affaires, mais qu’ils s’investissent également dans la culture en soutenant activement la littérature ivoirienne, en finançant des initiatives littéraires et en promouvant la lecture à tous les niveaux de la société.

L’exemple de la RSE : une responsabilité sociale plus large

Il est de plus en plus évident que l’adoption d’une politique de RSE n’est pas seulement une question de philanthropie, mais bien une démarche stratégique qui peut avoir des retombées positives sur la réputation et la valeur d’une entreprise. Pourtant, la responsabilité sociale des entreprises en Côte d’Ivoire semble encore à ses balbutiements en ce qui concerne son engagement pour la culture. De grandes entreprises, comme AFG Bank ou les sociétés de téléphonie mobile, pourraient par exemple intégrer dans leurs objectifs RSE la promotion de la lecture ou le financement des salons littéraires comme le SILA, en tant qu’opportunités de développement social et économique.

La culture : un investissement rentable pour les entreprises

Loin d’être un domaine où l’entreprise s’aventure uniquement pour de nobles raisons, la culture est aussi un investissement rentable. En soutenant la création littéraire, en finançant des projets éducatifs, des bibliothèques communautaires, ou en créant des partenariats avec des salons comme le SILA, les entreprises contribuent à forger une société plus éduquée, plus éclairée et plus réceptive aux innovations sociales.

Prenons un exemple simple : un projet de bibliothèque financé par une entreprise peut devenir un centre de formation professionnelle ou d’éducation continue, un pôle de création de contenu numérique ou un espace de collaboration pour les entrepreneurs. Ces projets ne sont pas seulement des dons, mais des investissements dans la société. Ils créent un impact qui dépasse largement les frontières du secteur culturel et se répercute sur l’économie locale, la formation des jeunes et des adultes, et la création d’emplois.

L’Assemblée Nationale et les institutions : une nécessité de partenariat

Il est temps que des institutions telles que l’Assemblée Nationale ou des organisations comme la PISAM, ainsi que les médecins et autres acteurs institutionnels, prennent leurs responsabilités dans l’émergence d’une culture vivante et dynamique. Le gouvernement et les entreprises doivent se voir comme des partenaires dans l’essor du livre et de la création culturelle, en mettant en place des politiques publiques qui encouragent la lecture, la création et l’édition dans le pays.

La question qui se pose ici est simple : comment pouvons-nous envisager un avenir prospère pour la Côte d’Ivoire sans éducation, sans culture, et sans créativité ? Le livre est un vecteur essentiel de ces trois éléments. Il est un outil d’émancipation et de développement que chaque acteur social devrait se sentir responsable de soutenir et promouvoir.

Appel à l’action

À l’aube du SILA 2025, il est plus que jamais nécessaire de voir la culture non comme un luxe, mais comme un pilier fondamental du développement économique et social de notre pays. Il est grand temps que les entreprises ivoiriennes fassent leur part en intégrant la culture et le livre dans leur politique RSE, en devenant de véritables acteurs du changement, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine humain.

Le SILA n’est pas qu’un événement littéraire ; c’est un terrain fertile où peuvent germer des idées, des partenariats et des projets qui bénéficieront à toute la société ivoirienne. Mais cela ne sera possible que si les acteurs économiques, les institutionnels et les citoyens s’engagent ensemble pour que la culture et le livre occupent enfin la place qu’ils méritent dans notre avenir commun.

Le moment est venu de repenser la responsabilité sociale en y intégrant le livre, la culture et l’éducation. Le SILA 2025, à travers ses multiples actions et échanges, représente un véritable catalyseur pour faire de cette ambition une réalité tangible.

ALEX KIPRE

photo: dr

POUVOIRS MAGAZINE

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