Aujourd’hui, 30 avril 2025, nous commémorons non pas une victoire accomplie, mais un chantier ouvert. Le multipartisme fut une porte. La démocratie reste le chemin.
30 avril 1990 – 30 avril 2025 : 35 ans de multipartisme, la démocratie reste encore à bâtir
Le 30 avril 1990, le gouvernement ivoirien annonçait la fin du parti unique et le multipartisme politique.
Cette décision fut prise dans un contexte de tensions sociales, grèves et contestations étudiantes à Abidjan.
À l’époque, le vent du changement soufflait sur toute l’Afrique, avec des régimes autoritaires remis en question.
On a alors présenté l’annonce de l’ouverture politique comme l’entrée de la Côte d’Ivoire en démocratie.
Mais 35 ans plus tard, force est de constater que la démocratie reste encore incomplète et largement imparfaite.
Des intellectuels à la tête de l’opposition émergente en 1990
Les figures de proue de l’opposition étaient des enseignants-chercheurs engagés issus de l’université d’Abidjan.
Bamba Moriféré pharmacien et Francis Wodié, juriste. Professeurs agrégé et défenseurs du droit et de la liberté.
Zadi Zaourou, maître de conférences en lettres modernes, liait engagement politique et culture intellectuelle critique.
Laurent Gbagbo, historien, était chercheur à l’Institut d’histoire, d’art et d’archéologie africaine à Abidjan.
Ces enseignants incarnaient une opposition éclairée, fondée sur le savoir, l’analyse, et la conscience citoyenne.
Le multipartisme n’est pas la démocratie
Beaucoup ont cru, à tort, que l’instauration du multipartisme signifiait automatiquement la naissance de la démocratie.
Le multipartisme autorise plusieurs partis politiques, mais il ne garantit ni justice, ni transparence, ni liberté réelle.
La démocratie exige des élections libres, une presse indépendante, une justice impartiale et des institutions fortes.
Elle demande aussi une culture du débat, une opposition respectée, et une société civile libre de s’exprimer.
En Côte d’Ivoire, ces conditions ne sont pas encore pleinement réunies malgré les avancées politiques observées.
Un chemin semé de progrès et de reculs
La Côte d’Ivoire a connu des élections pluralistes, des alternances politiques et une diversification des partis actifs.
Mais ces avancées ont souvent été accompagnées de crises graves, violences postélectorales et tensions communautaires.
Les institutions demeurent fragiles, parfois instrumentalisées, et manquent souvent d’indépendance face au pouvoir exécutif.
La liberté d’expression reste régulièrement menacée, et la justice est encore perçue comme inégalement appliquée.
La réconciliation nationale, amorcée après les conflits, reste incomplète et sujette à des mémoires encore fracturées.
Un héritage intellectuel à méditer
Les pionniers du multipartisme croyaient en une démocratie construite par le savoir, la rigueur et l’engagement citoyen.
Leur combat rappelle que la démocratie ne réside pas uniquement dans les textes ou dans le nombre de partis.
Elle se manifeste dans le respect des droits, la participation libre, et la responsabilisation de chaque acteur public.
Aujourd’hui encore, les promesses de 1990 restent en partie trahies par des pratiques autoritaires et politiciennes.
Le multipartisme fut une ouverture, mais la démocratie reste un processus lent, exigeant, et toujours en construction.
ETHAN GNOGBO
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE