Politique ivoirienne/ Mamadou Dao: « les journalistes sont devenus complices’

1 mois

À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, Mamadou DAO, Homme d’entreprises et citoyen engagé, invite à un retour aux fondamentaux.

Il faut retrouver le sens de la Nation, et réapprendre à dialoguer dans une Côte d’Ivoire fracturée.

Respectons ceux qui ont vécu : les gens de l’antan

« Ce ne sont pas les pierres qui bâtissent la maison, mais les gens. »

— Proverbe ivoirien

(Tribune de Mamadou DAO)

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Il y a, dans chaque ride, une histoire. Dans chaque silence, une leçon. Dans chaque regard, un monde que nous avons oublié d’interroger.

Ceux que l’on appelle les gens de l’antan, ces femmes et ces hommes dont les pas ont foulé des chemins que nous n’empruntons plus, portent en eux des bibliothèques sans murs ni livres, mais pleines de récits vivants. Ils savent la patience des jours longs, la douleur des saisons sèches, et la beauté des pluies revenues. Leur mémoire est tissée de gestes simples, de paroles pesées, d’un temps où l’on écoutait plus que l’on ne répondait.

Ils sont les témoins d’un monde révolu, non pas dépassé, mais fondateur. D’une époque où le respect des anciens n’était pas une vertu proclamée, mais une évidence naturelle. Ils ont connu les joies modestes, celles qui ne font pas la une des journaux mais bâtissent le socle d’une existence. Ils ont porté le poids des deuils, des guerres, des exils parfois, sans jamais renoncer à la dignité.

Respectons ceux qui ont vécu. Ce n’est pas un geste nostalgique envers le passé, mais un acte de reconnaissance. Ils ont été les bâtisseurs silencieux, les gardiens de l’essentiel. Sans leur courage, sans leurs luttes discrètes, nous ne serions rien d’autre qu’un château de sable balayé par le vent de l’amnésie.

Il y eut les Pères et les Mères de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Il y eut ces bâtisseurs, architectes d’un pays jeune, qui, à la force de leur vision, de leur labeur et de leur foi en l’avenir, ont transformé une terre de cultures et de villages en une nation prospère et rayonnante. Ce fut l’époque où la Côte d’Ivoire faisait notre fierté, et où d’autres peuples louaient le miracle ivoirien. Oui, un miracle ! Une promesse en voie d’accomplissement, qui éclairait tout un continent.

Et puis, depuis… rien que des larmes, du sang et des fratricides ! Nous avons vu une terre fertile se couvrir de cendres, de blessures et de rancunes nourries à l’ombre des fusils et des discours vénéneux. La Côte d’Ivoire s’est éloignée, pas à pas, de l’espérance promise dans son hymne. « Fiers Ivoiriens, le pays nous appelle…« , mais qui répond encore à cet appel ?

Notre patrie est devenue une arène de fourberies et d’égoïsmes, où les ambitions personnelles écrasent le bien commun, où les convictions se monnaient, où les serments se bradent. Un pays où les enfants ne parlent plus que chiffres, statistiques et biens matériels, oubliant les valeurs qui fondent la grandeur durable d’un peuple : la dignité, la solidarité, la justice, le respect de la parole donnée.

Nous avons troqué la sagesse des anciens pour le vacarme et la fureur des débats vides.

Nous avons oublié que gouverner, c’est servir, et non se servir.

Aujourd’hui, les débats politiques sont devenus des scènes d’ombres, bruyantes et stériles. Nos chaînes de télévision, avides de buzz et de sensations faciles, offrent leurs tribunes à des débatteurs plus soucieux de se parer d’écharpes clinquantes et de titres pompeux que de faire avancer la pensée collective. Ils manipulent, ils pontifient, ils s’égosillent… mais ils n’élèvent personne. Ce sont des voix sans âme, sans éthique, qui tournent à vide.

Nos politiciens, de tous bords, rivalisent en promesses sans lendemain. Ils ont troqué la vision pour leurs ventres, et les valeurs pour leurs poches. Pourtant, ils se drapent dans une fausse dignité, multipliant les sermons sentencieux, comme si cela pouvait masquer leur appétit dévorant.

Nos jeunes, eux, orphelins d’exemples vrais, se réfugient souvent dans l’invective, l’infox et une rébellion de façade qui masque une profonde désespérance. Quant aux journalistes, autrefois vigies et contre-pouvoirs, ils sont devenus complices de ces dérives. Jadis, leurs plumes étaient des épées et leurs voix, des consciences.

Aujourd’hui, trop souvent, ils ne sont que les relais d’une parole frelatée.

Respectons ceux qui ont vécu. Car ils sont l’antidote à cette déchéance. Ils sont la mémoire de ce que nous étions et la promesse de ce que nous pouvons encore redevenir.

Le vieux baobab, même dépouillé de ses feuilles, reste le repère dans la savane. Sous ses branches, hier, on se réunissait pour écouter, comprendre, se réconcilier. Il est temps d’y retourner. Non pour pleurer le passé, mais pour y puiser la force, et retrouver la boussole qui nous fera, peut-être, relever la tête et marcher de nouveau vers la lumière de l’espérance.

Y retourner, et tendre l’oreille au souffle du vent qui fait frémir ses branches fatiguées. On pourrait y entendre encore la voix de notre illustre Ancien, Félix Houphouët-Boigny, murmurer :

« La paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement. »

Et, comme un dernier avertissement, pour ceux qui ont encore le courage d’écouter :

« Notre défi était de bâtir une nation à partir de soixante ethnies. »

Ce défi reste le nôtre, tandis que nous avançons, anxieux, vers octobre 2025.

MAMADOU DAO

photo:dr

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