Prétendue désinformation: l’Afrique et le droit de raconter son histoire

3 mois

 De Paris à New York, en passant par Londres, les médias occidentaux se sont octroyé le monopole de l’information sur le continent.

Décidant de ce qui mérite d’être mis en avant et de ce qui doit être ignoré. Mais ce temps est révolu.

De quel droit Rfi, Le Monde, CNN, la BBC ou le New York Times pourraient-ils commenter la présidentielle ivoirienne? La gouvernance africaine ou encore la misère supposée du continent? Pendant qu’un média ivoirien ou africain ne pourrait pas analyser une élection en France, la crise en Ukraine ou les tensions aux États-Unis ? Dans un monde interconnecté, l’Afrique a aussi son mot à dire sur les affaires du monde. Sans qu’on lui impose une quelconque tutelle médiatique.

Pourtant, aujourd’hui, on prétend former les journalistes africains à « éviter la désinformation », à « lutter contre les fake news ». Cette campagne, sous couvert de bonnes intentions, cache une réalité bien plus profonde : ce sont les grandes puissances qui ont toujours été maîtresses dans l’art de la manipulation médiatique.

L’histoire regorge d’exemples. Pendant la Première Guerre mondiale, une rumeur a circulé : les Allemands auraient arraché les bras des bébés belges. Une horreur qui n’a jamais existé, mais qui a servi la propagande alliée pour mobiliser l’opinion publique et justifier l’effort de guerre contre l’Allemagne.

Plus tard, pour discréditer Jean-Bedel Bokassa, pas toute mais une presse française l’a accusé de cannibalisme. Une accusation qui servait en réalité des intérêts politiques bien précis.

Notamment ceux de Valéry Giscard d’Estaing.

Alors, qui est réellement coupable de désinformation ? Ce ne sont pas les médias africains qui, malgré des moyens limités, s’efforcent de donner une voix à leur continent. Ce sont ces puissants groupes de presse occidentaux qui, depuis des décennies, façonnent un narratif biaisé sur l’Afrique, sans jamais tolérer que le regard se retourne vers eux.

L’Afrique est en train de reprendre le contrôle de son récit. La suspension de France 24 au Mali et dans d’autres pays en est une illustration claire : on ne meurt pas de ne pas être informé par les médias occidentaux. Houphouët-Boigny s’en plaignait déjà en son temps. Et plus récemment, Alassane Ouattara que ses détracteurs présentent comme un obligé de la France, a rappelé que l’Afrique n’a pas à se plier aux normes imposées par l’Occident. Il a courageusement et avec colère et fermeté dit« Vous devez arrêter d’imposer les normes de l’occident aux africains. Nous sommes suffisamment majeurs pour gérer nos pays. Nous les gérons en fonction de nos objectifs. Les Africains sont des pays jeunes qui avons besoin de stabilité. C’est au non de cette stabilité que j’ai accepté le mandat auquel j’avais renoncé. Je crois que ça suffit comme ça »

Il est temps que l’on cesse de voir l’Afrique comme un simple objet de récit. Et qu’on la considère comme un acteur médiatique à part entière, capable d’analyser, de questionner et d’informer sur le monde. L’heure n’est plus à la domination narrative, mais à l’équilibre des voix. Et l’Afrique, enfin, est prête à faire entendre la sienne. Les Historiens Elikia M’Bokolo, Pierre Kipré font du très bon travail.

Des voix comme celles de Nyamsi Franklin et Nathalie Yamb sont presque toujours excessives. C’est vrai. Mais elles désinforment moins que celles des grandes puissances.

ALEX KIPRE

POUVOIRS MAGAZINE

OPINIONS