Depuis des décennies, les figures politiques de la Côte d’Ivoire se réclament toutes de l’houphouétisme.
Pourtant, derrière ces discours de paix et d’unité, se cache une réalité plus sombre. Celle d’une simulation destinée à manipuler le peuple et à régner sur lui. Chacun d’eux, à sa manière, se revendique héritier de l’ancien président Houphouët-Boigny, comme si cette filiation suffisait à légitimer leurs ambitions et à faire oublier leur comportement violents.
Henri Konan Bédié, qui se présentait comme le successeur naturel de Houphouët, a voulu incarner la paix et la stabilité. Pourtant, ses choix politiques (alliance avec les vestiges de la rébellion) et son incapacité à fédérer le pays au-delà de ses propres intérêts ont souvent frôlé les limites de la manipulation. Après lui, le général Robert Guéi, auteur d’un coup d’État en 1999, s’est également proclamé « homme de paix ». Bien que son accession au pouvoir se soit faite dans un bain de sang. Rappelant que la paix n’est jamais qu’une façade derrière laquelle se cachent des ambitions personnelles.
Laurent Gbagbo, lui aussi, a évoqué à plusieurs reprises une rencontre avec Houphouët-Boigny, au cours de laquelle le vieux président lui aurait dit : « Hélas, tu me ressembles ».
Cette phrase, à l’apparence anecdotique, semble pourtant incarner l’ironie d’une situation où des dirigeants en quête de pouvoir se prétendent porteurs de l’héritage d’un homme qui prônait l’unité nationale, alors qu’ils ne cessent de diviser la société ivoirienne par leurs égos surdimensionnés.
Mais peut-on réellement croire que cette scène privée soit un gage de sincérité ?
Alassane Ouattara, quant à lui, a créé le RHDP, mouvement politique qu’il dit avoir fondé pour continuer l’héritage houphouëtiste. Mais son parcours a également été marqué par des violences politiques et une gestion autoritaire qui ne correspond en rien à l’idéal de paix prôné par Houphouët-Boigny. Chaque fois qu’ils se présentent comme des héritiers de l’ancien président, leurs actes démentent leurs paroles. Les décisions qu’ils prennent, les alliances qu’ils forment, les conflits qu’ils suscitent. Tout cela témoigne d’une volonté de maintien du pouvoir, bien loin des valeurs d’unité et de concorde qui étaient celles de Houphouët.
À force de se jouer de l’héritage de l’houphouétisme, ces hommes, obnubilés par leurs ambitions personnelles, se moquent du peuple qu’ils prétendent servir. Leur soif de pouvoir, qu’alimentent des égos démesurés, leur permet de se rapprocher, se fréquenter. Tout en manipulant la masse, en laissant entendre qu’ils œuvrent pour la paix alors que leurs actions disent le contraire. Ils créent un système où l’unité n’est qu’une illusion. Et où la paix devient un mot vidé de toute substance, un prétexte pour maintenir leur domination.
En réalité, leur véritable objectif reste celui de régner sur un peuple qu’ils considèrent comme une simple variable d’ajustement dans leur quête de pouvoir personnel. Difficile de croire à ce personnel.
JULIEN BOUABRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE