L’analyse du discours du président Alassane Ouattara lors de la cérémonie de présentation de vœux au corps diplomatique révèle plusieurs éléments politiques importants.
Concernant la succession à la présidence en Côte d’Ivoire. D’abord, Ouattara a souligné que cinq ans auparavant, il avait exprimé son souhait de passer la main à une nouvelle génération. Ce commentaire pourrait, à première vue, donner l’impression qu’il s’orienterait vers un départ définitif. Mais la manière dont il a abordé la question de sa candidature lors de ce discours laisse place à diverses interprétations.
Le « suspense » autour de la candidature de Ouattara.
Alassane Ouattara a précisé qu’il n’avait pas encore pris de décision quant à sa candidature. Mais qu’il était en bonne santé et désireux de continuer à servir son pays. Cette déclaration montre une volonté de garder une certaine réserve. Ce qui alimente le suspense. Ce silence stratégique peut être interprété de plusieurs manières. D’une part, cela pourrait signifier qu’il hésite encore à annoncer clairement sa décision de ne pas se représenter. Laissant ainsi une ouverture à l’incertitude.
D’autre part, certains analystes estiment qu’il pourrait attendre le dernier moment pour clarifier sa position. Comme l’a fait le président sénégalais Macky Sall avant de renoncer à briguer un troisième mandat. L’usage du terme « je suis en pleine santé et désireux de servir mon pays » semble également être une tentative de rassurer ses partisans. Et de minimiser l’idée d’un retrait imminent.
Le soutien à une nouvelle génération et la succession interne
L’aspect le plus frappant du discours d’Ouattara est sa référence à la « nouvelle génération ». En affirmant que son parti, le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), dispose déjà de « une demi-douzaine de candidatures qui sont dans cette salle », il donne un signal clair. Parmi les 6, figure lui-même dans la salle. La succession est déjà en marche et son parti a préparé des alternatives. Cette remarque suggère que la transition de pouvoir se fera sans ou avec lui. Mais de manière structurée et interne. Le fait que ces candidats soient présents dans la salle renforce l’idée que les choses sont bien préparées. Et que le prochain leader du pays pourrait émerger de cette élite. A laquelle il appartient.
Le président a aussi mentionné le cas d’Achi Patrick, rappelé en région Akyé pour soutenir le candidat RHDP qui sera désigné. Sans pour autant mentionner qu’il se porterait lui-même candidat. Ce point est essentiel. Car il est souvent suggéré que des figures comme Achi Patrick pourraient jouer un rôle clé dans la succession. Mais la précision que ce n’est pas lui qui serait le candidat suggère qu’un autre nom pourrait émerger.
Les enjeux de la succession et les « casseroles » de Ouattara
Le discours de Ouattara, bien que semblant rassurant et mesuré, n’est pas exempt de sous-entendus. Certains observateurs estiment que, malgré son apparente volonté de se retirer, Ouattara pourrait être contraint de jouer un jeu de suspense. L’objectif est de maintenir son pouvoir au sein du RHDP. Le commentaire faisant état d’un manque d’appui du RDR et les « casseroles financières » évoquées dans les milieux politiques, font allusion à des zones d’ombre. Lesquelles pourraient nuire à sa réputation et à sa légitimité s’il restait en lice pour un troisième mandat. Ces allégations concernant des « deals financiers » pourraient alimenter des polémiques internes au RHDP. Et nuire à l’image du parti. Surtout si un autre candidat se présente comme plus propre ou plus indépendant des affaires passées.
L’irréversibilité du changement politique en Côte d’Ivoire
L’une des certitudes qui émerge de ce discours est que la Côte d’Ivoire semble prête pour un changement de génération au sommet de l’État. Le fait que Ouattara, tout en ne fermant pas complètement la porte à une possible candidature, annonce que des alternatives existent déjà. Et au sein de son propre camp, montre une volonté de préparer le pays à une transition. Plus ou moins fluide. Le parti semble avoir suffisamment anticipé ce moment et préparé des cadres pour prendre la relève.
Cette ouverture sur la succession est essentielle. Car elle permet de maintenir une stabilité politique dans un pays où les transitions de pouvoir sont sources de tensions. Voire de violences. L’annonce que les candidatures internes sont déjà définies permet également de limiter les incertitudes. Notamment celles liées à une lutte pour le pouvoir au sein du RHDP. Si la transition se fait de manière structurée, avec des figures respectées et bien préparées, le risque de crise interne sera réduit.
Conclusion : une transition préparée, mais pas sans suspens
En conclusion, bien que le président Ouattara semble vouloir désigner une nouvelle génération pour prendre la relève, son discours laisse planer une incertitude stratégique. Laquelle pourrait être destinée à préparer le terrain pour une transition de pouvoir plus fluide. Le fait qu’il n’ait pas pris de décision finale, tout en affirmant que son parti dispose déjà de candidats prêts à le remplacer, montre qu’une préparation méticuleuse est en cours. Cependant, cette transition ne sera pas sans défis. Car les enjeux de succession, les rivalités internes et les ambitions personnelles au sein du RHDP demeurent potentiellement source de tensions.
L’avenir politique de la Côte d’Ivoire semble désormais tourné vers cette nouvelle génération, mais les observateurs devront suivre de près les développements futurs pour comprendre comment cette transition se déroulera réellement, et quel candidat, parmi les figures évoquées, émergera comme le véritable successeur de Ouattara. Le successeur était dans la salle. Ouattara aussi.
JULIEN BOUABRE
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE