Un groupe de ressortissant de Man a écrit au nonce apostolique relativement à la crise qui sévit à Man
Excellence Monseigneur le Nonce,
Nous avons suivi, depuis une quinzaine d’années, de près comme de loin, les relations difficiles que l’évêque de Man entretient avec le clergé local. En tant que fils de la région et chrétiens, nous osons vous avouer que c’est une véritable souffrance que nous portons. Et qui semble ne pas avoir de fin. C’est ce qui nous conduit à vous adresser cette lettre ouverte.
Man n’est pas à son premier évêque avec Mgr Béby. Comment se fait-il alors que, depuis l’arrivée de son troisième évêque, l’Église de ce diocèse n’a plus connu son rayonnement d’antan. Et pourquoi des prêtres, naguère connus pour leur discrétion, leur joie. Et aussi pour leur générosité pastorale, héritées de Mgr Bernard Agré, se retrouvent soudain dans un bras de fer avec leur évêque ?
Dans ce type de situation, on peut être tenté de dire que ce sont les prêtres de Man qui ont (soudainement !) un problème. Puisqu’il serait exclu que ce soit l’évêque le problème.
L’idée que l’on peut se faire d’un évêque en tant que pasteur, en effet, empêche de penser qu’il pourrait être la source d’un conflit.
Dans la mission que le Seigneur lui a confiée.
Mais sans être spécialistes de l’histoire de l’Église, et sans aller chercher sous d’autres cieux, nous savons qu’il a existé des évêques chez nous.
Lesquels n’ont pas été à la hauteur de leur mission. Et qui se sont retrouvés à agir plutôt comme ce que Jésus lui-même appelle des mercenaires. Dans ce cas, Rome a réagi pour protéger le peuple de Dieu. En effet, lorsque l’évêque lui-même détruit les conditions humaines et évangéliques d’être pasteur, il n’y a plus rien d’autre à faire. Rien sinon que de réclamer sa démission.
C’est exactement ce qui s’est passé à Gagnoa, sans que l’on ait trouvé à redire. Puisque tout le monde a bien compris qu’il est juste qu’un évêque qui ne mesure pas lui-même le sens de sa mission.
Et en plus qui persiste à disperser le troupeau soit démis de ses fonctions.
Depuis un an, la situation de Man a empiré, et vous le savez. Durant tout ce temps, vous-même n’avez pas daigné y faire un tour. Ne serait-ce que pour prendre sur place la mesure des choses.
Vous vous êtes contenté d’écouter les évêques de Côte d’Ivoire, dont tous les prêtres savent la mobilisation en vue de sauver leur confrère. Tout le monde sait aujourd’hui que la démission de Mgr Béby se profilait à l’horizon. Si l’on compare la situation de Man à celle de Gagnoa. En vous laissant convaincre du fait que l’évêque de Man doit être maintenu, vous avez contribué à empêcher la manifestation de la vérité.
Cela en rajoute à notre souffrance de chrétiens.
Les évêques de Côte d’Ivoire auxquels vous avez voulu faire plaisir sont connus pour leur propre division sur bien des questions politiques et idéologiques. Vous n’aurez pas à attendre des années pour le constater.
Nous voulons juste vous informer que, pendant les crises politiques de notre pays, ce sont les mêmes qui ont fait des déclarations individuelles partisanes qui furent vigoureusement dénoncées par les acteurs politiques ivoiriens.
Ce sont les mêmes encore qui, dans une déclaration publique, ont étonné le monde entier. En s’en prenant à leur propre confrère malade et hospitalisé à Paris, feu Mgr Ahouana, que le président de la République, avec l’accord de Rome, venait de nommer à la tête de la CONARIV.
Prendre la vérité de ces évêques sur le problème de Man comme une vérité évangélique est une erreur que vous avez commise. Et dont vous sous-estimez peut-être les conséquences. Mais que vous serez appelé à gérer lorsque le temps de la vérité sera enfin arrivé. Parce qu’elle arrivera.
Comme dit le Seigneur, tout ce qui est caché sera révélé.
Aucun chrétien de Man n’est dupe. Après toutes les rencontres que le visiteur a eues avec les acteurs pastoraux du diocèse, il n’est pas possible de faire croire que son rapport au pape a suggéré le maintien de Mgr Béby.
Lorsque le visiteur s’étonne lui-même de la façon dont la gouvernance de Mgr Béby humilie les prêtres.
Et s’agace des détournements de l’argent des projets financés par Rome et qui n’ont jamais vu le jour, il est impossible de faire croire aux Ivoiriens que cela mérite que Mgr Béby demeure l’évêque de Man.
Ou alors, la tolérance zéro que prêche le pape François sur les cas de détournement dans l’Église. Et sur toutes sortes d’abus dans l’Église se serait arrêtée à la limite du diocèse de Man. Tout simplement parce que l’évêque en cause aurait de puissants amis qui ont plaidé sa cause.
À Man, nous sommes objectivement dans le cas d’abus d’autorité.
Et ceux qui plaident pour le maintien de l’évêque sont tous complices d’abus. Si on refuse cette vérité, on entre dans le domaine de la dissimulation, qui est une faute morale grave.
On a entendu votre appel à la réconciliation et à l’unité. Et il est juste de l’avoir fait, bien que votre justification du maintien de Mgr Béby n’ait convaincu personne. Votre propos, qui voulait convaincre, comprenait ses propres incohérences, à savoir qu’il faut se rassembler autour de la mère malade.
Sachez que, lorsqu’on a découvert que c’est l’un des enfants qui a empoisonné la mère malade, les autres enfants, en tant que chrétiens, peuvent pardonner.
Mais moralement, rien ne les oblige à associer le meurtrier à leur rassemblement autour de la mère.
Ce que vous devez comprendre, c’est que Mgr Béby a détruit lui-même les conditions d’être pasteur de l’Église qui est à Man.
Humainement, il a détruit la confiance entre lui et les brebis. Évangéliquement, il n’est plus crédible pour les brebis. En le maintenant, de qui voulez-vous qu’il soit alors le pasteur ?
Des chrétiens de Duékoué qui ont appris qu’il a détourné l’argent du presbytère de la nouvelle paroisse de la ville ?
Ou de tous ceux qui ne le présentent plus que comme un autoritaire qui se prend pour le bon Dieu ?
Le choix de Mgr Béby comme évêque doit être sérieusement interrogé.
Parce que sa personnalité est manifestement incompatible avec la gestion des hommes. Cela se comprend parfaitement.
Il n’a pas appris à gérer les hommes, puisqu’avant d’être évêque, son parcours ne témoigne pas de cela. Pour dire les choses plus simplement, sa personnalité est profondément en contradiction avec l’image du bon pasteur. Celle que décrit Jésus dans les Évangiles. Il est donc admis que si Mgr Béby était appelé à exercer son ministère ailleurs, ce ne serait pas mieux que ce qu’il a fait à Man.
Lorsqu’on choisit un évêque parmi mille prêtres, c’est parce qu’on estime qu’il a des dispositions différentes, comme celles qui consistent à témoigner d’une vraie fraternité et à empêcher son diocèse de sombrer dans une crise.
Êtes-vous sûr que le choix de Mgr Béby a tenu compte du fait qu’il puisse gérer des prêtres sans les mépriser ?
Depuis votre annonce du maintien de Mgr Béby comme évêque du diocèse de Man, il se dit clairement que le problème, ce n’est même plus Mgr Béby, qui ne dispose plus de moyens humains. Ni pastoraux pour remplir convenablement sa charge sereinement. C’est désormais votre tentative maladroite de le maintenir, sous prétexte de construire une nouvelle collaboration improbable. Avec un diocèse qu’il n’a jamais aimé, qui dérange les chrétiens que nous sommes.
Les prêtres de Man ont assez souffert avec Mgr Béby. Et nous, leurs parents, nous souffrons avec eux. Il est juste devant Dieu et devant les hommes que vous le sachiez.
Veuillez agréer, Monseigneur le Nonce, l’expression de nos sentiments distingués.
Un groupe de ressortissants de Man
photo:dr
POUVOIRS MAGAZINE